Nicole Gaudreault et André Fleury – Au cœur du Réseau du capitaine
Quoi de plus affligeant que d’être isolé en pleine mer, sans possibilité de naviguer sur Internet? Sans pouvoir envoyer ou recevoir un seul petit courriel? Il faut sans doute l’avoir vécu pour comprendre la sensation d’isolement engendrée par une telle situation… à notre époque! Quant au téléphone satellite, il faut vraiment être très riche pour se l’offrir!
Grâce au Réseau du capitaine, les plaisanciers peuvent recevoir une communication en direct de Nicole Gaudreault ou André Fleury et écouter les autres participants, peu importe l’endroit où ils se trouvent dans le monde. En fait, il s’agit d’une communauté de navigateurs qui s’échangent des informations sur le déroulement de leur navigation au gré de leurs destinations, rencontres et aventures. Un lien passionnant!
J’ai eu le plaisir de rencontrer en juin dernier ces deux charmants complices afin qu’ils me parlent de leur passion pour la radio ondes courtes et de leur dévouement auprès des marins.
Un peu d’histoire
Le Réseau du capitaine existe depuis 30 ans. Au tout début, Jean-Pierre Déry et Jean-Yves Caron faisaient de la radio amateur en français, passaient des messages, donnaient des bulletins météo et offraient un lien téléphonique. Après avoir effectué des études en électronique et fait carrière dans ce domaine, André Fleury, retraité depuis 1985, débute comme radioamateur en dilettante dès 1991, à Varennes. En 1998, après un déménagement, il procède à l’installation d’une tour de transmission à Saint-Bruno. Puis, le « Shack », lieu où se font les communications, s’établit désormais à sa résidence, sur le mont Saint-Bruno. En 2000, Jean-Pierre Déry décède et André Fleury prend la relève avec Jean-Yves Caron.
Nicole Gaudreault entre en scène en 2002. Adepte de la voile depuis l’âge de 18 ans, elle est active au niveau de la CONAM et organise des cours de radioamateur. Pour cette femme infatigable, les membres du réseau sont une grande famille à laquelle elle consacre beaucoup de temps bénévolement. En plus de parler en ondes chaque matin à 7 h avec les navigateurs, elle retranscrit les conversations sur le site Internet au bénéfice des amis et de la famille qui les suivent dans leur périple. Elle fait aussi parvenir aux navigateurs qui le lui demandent des bulletins météo adaptés à leur situation.
Quant à lui, André Fleury met à jour régulièrement le site Internet installé depuis 2004 et s’occupe du matériel électronique nécessaire au réseau. Sommairement, il reçoit les communications des navigateurs au « Shack » de Saint-Bruno. Grâce à la situation en hauteur du « Shack » et de la tour adjacente qui lui permet de bien capter les ondes courtes, les communications sont retransmises au récepteur de Nicole à Longueuil, qui complète le travail.
En haute saison, les communications matinales s’échelonnent sur deux heures. Le logiciel Simplex permet aux intervenants de parler par ordre de présentation. Depuis 2005, « Winlink » propulsé grâce à cinq serveurs (Allemagne, États-Unis et Australie) diffuse des photos, messages et services météo. Depuis 2008, la diffusion matinale se fait simultanément sur le site Internet.
Le professeur Maxim Prati donne un cours de radioamateur de 10 semaines. « Nous sommes les seuls à le donner avec un suivi pratique. C’est un peu compliqué, mais moins qu’à l’époque où le morse était enseigné. La note de 80 % est exigée et sanctionnée par Industrie Canada pour passer le cours », explique Nicole. Un séminaire pratique pour apprivoiser l’appareil et un autre pour configurer l’antenne sur le bateau s’avèrent nécessaires à une bonne utilisation du réseau. « Ça prend absolument un séminaire! », ajoute André.
Un autre avantage non négligeable que procure le fait d’être membre du réseau est la possibilité d’achat en groupe de matériel électronique à un coût intéressant.
Un site très apprécié
Le site Internet du Réseau du capitaine attire 220 000 visiteurs par mois, de 1500 à 2000 par jour. On y voit la position des navires, leurs déplacements, le blogue des navigateurs, etc. Parmi ceux-ci, notons celui de Prana, très détaillé sur les coûts de la vie à bord, contenant de nombreuses statistiques et autres informations pertinentes depuis leur départ pour vivre sur leur voilier dans les Caraïbes. Celui de la famille Cat Mousses, partie durant cinq ans faire le tour du monde et revenue en juin denier au Canada, est très intéressant à lire et rempli d’anecdotes amusantes.
Brièvement, le Réseau du capitaine est le maillon essentiel qui rassemble la grande communauté des navigateurs. Bien qu’ils soient majoritairement québécois, des marins de partout dans le monde s’y branchent aussi. Sans but lucratif, le Réseau fonctionne donc grâce au bénévolat. Une campagne de financement a été lancée et a permis d’amasser près de 5 000 $ pour l’achat d’équipement de diffusion. Le matériel électronique de l’installation se chiffre à près de 20 000 $.
On compte de 400 à 500 titulaires d’une licence de radioamateur au Québec. Ils ne sont cependant pas tous actifs.
Une question préoccupante est cependant évoquée par Nicole et André : la relève. En effet, l’assiduité, la capacité de gérer le site Internet et l’installation électronique adéquate située en hauteur sont absolument nécessaires pour opérer la Réseau du capitaine. Difficile de concilier ces critères! Lorsque les deux collègues prennent leurs vacances durant la période estivale, un collaborateur du réseau les remplace.
Le Réseau du capitaine est connu dans le monde entier, M. Fleury me mentionnait qu’il s’entretenait à l’occasion avec des aventuriers au pôle Nord et au pôle Sud. Il est l’un des derniers réseaux à ondes courtes francophones dans le monde offerts gratuitement. Du côté américain, le service Sailmail est disponible pour 270 $ par année pour 10 minutes par jour.
Une belle réussite et un travail d’équipe exceptionnel font du Réseau du capitaine un lien et un bienfait unique pour les navigateurs. Longue vie aux deux animateurs et au Réseau du capitaine!
Site Internet du Réseau du capitaine : www.lereseauducapitaine.qc.ca
Par Monique Reeves
* Cet article sera publié dans la parution Automne 2013 du magazine Québec Yachting.