La 34e Coupe de l’America
C’est le 22 août 1851 que fut disputée la première régate entre la goélette America et une flotte britannique autour de l’île de Wight, en Angleterre. Le schooner America, représentant le jeune New York Yacht Club (NYYC), remporta la victoire et reçut le précieux trophée, d’où le nom de « Coupe de l’America ». Cette régate se tient environ tous les quatre ans depuis 162 ans, ce qui en fait le plus vieux trophée dans le domaine sportif international. Durant 132 ans, les Américains ont remporté la victoire. La compétition se tient dans le pays du dernier vainqueur et le club hôte était alors le célèbre New York Yacht Club. La régate s’est tenue à New York jusqu’en 1920, puis à Newport sur la côte est des États-Unis, et c’est en 1983 que le NYYC perdit le précieux trophée aux mains des Australiens et de leur skipper John Bertrand. Dans toute l’histoire de la Coupe de l’America, quatre pays seulement ont remporté le précieux trophée, soit les États-Unis, la Suisse, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Fait à noter : la Suisse ne peut tenir la compétition chez elle. Un règlement dit que la compétition doit se tenir en eau libre ou sur l’océan et non sur un lac. À deux reprises, la régate s’est tenue en Espagne, dans la ville de Valence, sur les bords de la Méditerranée, mais sous l’égide de la Suisse. Cette année, c’était la 34e édition. De 1903 à 1920 et de 1937 à 1958, aucune compétition n’a eu lieu, faute d’un challenger.
Pour qu’une compétition ait lieu, un pays doit lancer un défi au defender ou dernier vainqueur. Les deux premiers événements se sont déroulés en flottille et, à partir de 1876, ce sont des matchs racing ou duels (compétitions à deux voiliers). Le challenger est celui qui lance le défi. Le Canada le fit en 1876 et 1881. Vu que plusieurs pays ou équipes se présentent comme challengers, parfois plus d’une équipe par pays, il faut tenir des éliminatoires pour définir un seul challenger qui va affronter le defender en finale. Depuis 1983, cette série s’appelle la Coupe Louis Vuitton. En 2013, pour la 34e édition de la Coupe de l’America, trois pays seulement se sont présentés : l’Italie avec le voilier Luna Rossa Challenge 2013, la Suède avec Artemis Racing et la Nouvelle-Zélande avec Emirates Team New Zealand. Ce sont ces derniers qui ont remporté la Coupe Louis Vuitton 2013 et affrontaient en finale les Américains sur le voilier Oracle Team USA.
Depuis la création de la Coupe de l’America en 1851, et ce, jusqu’en 1983, la compétition se tenait sur des voiliers de type monocoque. L’année 1988 vit apparaître le premier catamaran, avec Dennis Connor comme skipper, à San Diego en Californie. En 2010, l’équipe américaine BMW Oracle USA naviguait sur un immense trimaran. Actuellement, la compétition se déroule sur des catamarans de 72 pi (22 m) ou AC72. La largeur est de 46 pi (14 m) et chaque voilier pèse environ 13 000 lb (5900 kg). Ils sont équipés d’un mât-aile de 131 pi (40 m) de haut et d’hydrofoils, ce qui leur permet d’aller plus de deux fois la vitesse du vent réel. Ils sont faits de matériaux composites de haute technologie et il en coûte environ 100 000 000 $ pour les construire et les amener sur une ligne de départ. Avec ces coûts très élevés, seulement quatre pays ou syndicats se sont présentés à cette 34e édition.
Lors de leur mise à l’eau, il y a plus d’un an, ces voiliers pouvaient atteindre environ 30 nœuds. Avec l’entraînement et les modifications apportées, la vitesse a augmenté progressivement jusqu’à 40 nœuds. Puis, lors de la finale, ETNZ a atteint 47,57 nœuds par vent arrière. Selon Dean Barker, skipper de l’équipe de la Nouvelle-Zélande, ces voiliers de première génération sont encore en développement et devraient atteindre des vitesses supérieures à 50 nœuds d’ici quelques mois. Les hydrofoils ou dérives latérales permettent au voilier de déjauger complètement, même au près, ce qui leur a permis d’atteindre plus de 30 nœuds en finale par vent de face. Qui dit vitesse dit aussi sécurité. Les onze équipiers sont casqués et portent un habit rembourré qui fait penser à un compétiteur de motocross. Il y a environ un an, le voilier Oracle a chaviré et, au mois de mai dernier, ce fut au tour du voilier suédois Artemis, entraînant la mort d’un équipier, Andrew Simpson. À ce moment-là, les entraînements ont été arrêtés et les différents syndicats ont dû revoir les mesures de sécurité en collaboration avec la Garde côtière américaine, car c’est elle qui fait force de loi dans les eaux américaines.
Auparavant, pour qu’une course débute, la vitesse maximale du vent avait été fixée à 35 nœuds. Après le décès de l’équipier suédois, elle a été réduite à 23 nœuds, incluant le courant. Par exemple, avec un courant favorable de 3,5 nœuds et un vent de 20 nœuds, pour un total de 23,5 nœuds, une course pourrait être retardée ou annulée. C’est pourquoi quelques épreuves ont été retardées ou simplement reportées au lendemain. Le comité de course, avec Ian Murray comme directeur, avait aussi la possibilité d’arrêter la régate, même après le départ, en cas de vents trop élevés. Au début du mois d’août, ETNZ a enfourné à plus de 40 nœuds avec, comme résultat, deux équipiers par-dessus bord. Ce même voilier a failli chavirer lors de la 8e course. Il s’en est fallu de peu et les experts ont calculé que le voilier s’était incliné à 45 degrés. En conférence de presse, le trimeur de mât a avoué avoir fait l’erreur en appuyant sur le mauvais bouton pour l’hydraulique. Avec ces vitesses élevées, tout le monde est conscient qu’un autre drame peut survenir et il faut l’éviter.
Le parcours est dans la baie de San Francisco. Auparavant, la course se déroulait au large et les spectateurs étaient pratiquement exclus, sauf si vous étiez sur un bateau d’excursion pour suivre la course. C’était la première fois que la course se déroulait en ville. Des estrades ont été installées à différents endroits le long des quais de San Francisco et les spectateurs pouvaient y suivre toute la course. L’organisation a fait un très gros effort pour populariser la voile. Les paysages sont magnifiques avec, en arrière-scène, le Golden Gate Bridge souvent dans le brouillard, l’île d’Alcatraz rendue célèbre par la prison, Angel Island, Sausalito, etc.
Il s’agit d’un parcours de cinq bords avec deux bords de vent de travers (départ et arrivée), un bord de près et deux bords de vent arrière. Le départ se faisant au vent de travers contrairement au départ classique, la vitesse est élevée et des règles précises ont été établies afin d’éviter tout abordage avant le départ. Chaque voilier doit entrer de son coté de la boîte, soit un bâbord et l’autre tribord, le premier à 2 minutes 10 secondes du départ et le second 10 secondes plus tard ou à 2 minutes du départ. Cela limite les virements ou empannages où chaque voilier essaie de se placer sous le vent à la bouée de départ. Aussi, le parcours est toujours le même et dessiné en fonction d’un vent ouest (ONO à NNO), cela pour permettre aux spectateurs de suivre la course en entier et pour les caméras de télévision, publicité et autres. Il est arrivé, en finale, de reporter une journée de course, car le vent était sud à 180 degrés alors qu’il doit être à 230 degrés ou plus. Les deux équipes ont refusé de compétitionner sur un autre parcours, invoquant une bonne connaissance des courants sur le parcours habituel, courants qui pouvaient atteindre trois nœuds et plus.
Voici une autre règle spécifique à cette série et qui diffère de nos courses traditionnelles : c’est lors d’une pénalité. Il y a souvent disqualification lors d’une pénalité, par exemple le refus de tribord. Pour cette série, le bateau fautif doit ralentir et se placer théoriquement derrière l’autre voilier. Des lumières rouges et vertes se trouvent à l’arrière du trimaran et indiquent au skipper quand accélérer selon les directives du jury. C’est la règle du ralentir et repartir…
* Vous pourrez lire les sections de La Coupe Louis Vuitton et de La Coupe de l’America ainsi que consulter le Sommaire des courses de la 34e Coupe de l’America dans la parution Hiver 2014 de Québec Yachting.
Par Richard Naud