Québec Yachting

Garder une distance sécuritaire

Nous avons tous une connaissance intuitive de la lecture d’une carte, qu’elle soit en format papier ou numérique. Plus un chiffre est grand, plus on s’écarte du niveau de référence. Sur une carte topographique, toute altitude au-dessus du niveau de référence est positive; l’altitude est négative lorsque nous sommes sous le niveau de référence. Depuis la fin de l’année 2013, une nouvelle référence altimétrique a fait son apparition pour le monde terrestre. Nous ne pourrons plus simplement dire que l’altitude est par rapport au niveau moyen des mers. Il faudra préciser la référence utilisée soit le Canadian Geodetic Vertical Datum de 1928 (CGVD28) ou le nouveau North American Vertical Datum de 2013 (NAVD2013).

Le CGVD28 supposait que les océans Atlantique et Pacifique étaient au même niveau et le NAVD2013 corrige cette supposition en imposant un écart d’un mètre et demi entre les deux océans. Ne soyez donc pas surpris de voir les altitudes changées entre 0,5 m et 1 m sur les cartes topographiques dans le sud du Québec.

Soyez sans crainte, cette modification de niveau de référence pour la portion terrestre n’aura pas d’incidence sur les profondeurs, les dégagements verticaux et les altitudes sur les cartes marines. Les niveaux de références hydrographiques sont influencés par la topographie locale du cours d’eau considéré, les variations quotidiennes (région à marées) ou saisonnières (région sans marées) des niveaux d’eau et, occasionnellement, les travaux anthropiques d’importance. Vous verrez apparaître éventuellement une note supplémentaire dans le titre des cartes marines pour vous permettre d’ajuster correctement votre système de positionnement en fonction du CGVD28 ou du NAVD2013.

Par contre, tous les navigateurs d’expérience savent que les altitudes des montagnes sont positives sur une carte marine et que les fonds marins le sont aussi. Cela peut sembler une aberration, mais il faut se rappeler que les altitudes sont en référence à la ligne des hautes eaux locales et les profondeurs à la ligne des basses eaux locales. Lorsqu’on est entre ces deux lignes, on se retrouve dans la zone couvrante et découvrante, c’est-à-dire qu’un obstacle est parfois invisible ou parfois visible selon le niveau de l’eau du moment. Cette dernière région est négative et est en référence à la ligne des basses eaux.

Les navigateurs doivent faire face aussi à une troisième catégorie d’altitude, soit les dégagements verticaux des obstacles aériens au-dessus des plans d’eau. Dans les régions à marées, les dégagements sont par rapport à la ligne des hautes eaux dans un but sécuritaire. Un navigateur devrait faire des calculs en situation d’urgence seulement si l’intégrité de son embarcation est en cause. Par exemple, si le tirant d’air de son embarcation est moindre que le dégagement vertical inscrit sur la carte marine, le navigateur pourra se concentrer sur les opérations de sauvetage pour lui-même, son embarcation ou pour les membres d’une autre embarcation.

Dans les régions ne bénéficiant pas du régime des marées, les dégagements verticaux sont par rapport au zéro des cartes (ligne des basses eaux) au lieu de la ligne des hautes eaux. Si vous êtes comme moi, on ne prend pas toujours le temps de lire toutes les instructions et d’interpréter les graphiques pour utiliser en toute sécurité un appareil ou un outil. Plusieurs navigateurs ne lisent pas toutes les notes du bloc titre et les blocs d’informations d’une carte marine. Ils n’iraient pas sur certaines parties des plans d’eau durant la belle saison parce que les dégagements verticaux seraient représentés en fonction de la crue printanière qui dure moins d’un mois.

Il ne faut pas retourner trop rapidement vos cartes chez les détaillants autorisés pour cause de manquement à la sécurité. Il faut se rappeler que les variations des niveaux d’eau en amont de Trois-Rivières sont en général moins de 0,3 m sur 24 heures. Vous pouvez utiliser le graphique des niveaux d’eau montré sur la carte marine ou aller sur le site internet www.marees.gc.ca pour connaître le niveau d’eau réel de la station limnigraphique avant de faire une sortie sur l’eau.

Pont Jacques-Cartier - Gracieuseté du Service hydrographique du Canada

Pont Jacques-Cartier – Gracieuseté du Service hydrographique du Canada

Une fois que vous connaissez le niveau d’eau pour votre sortie, inscrivez-le dans la marge de votre carte marine papier ou sur un Post-it en le collant près de votre carte électronique. Rappelez-vous qu’il faut soustraire le niveau d’eau du dégagement vertical inscrit sur la carte marine.

Admettons, par exemple, que vous êtes l’heureux propriétaire d’un grand voilier; vous prévoyez faire une escale à la Jetée King Edward de Montréal ce printemps et le niveau d’eau sera de 2,7 m; vous devrez donc soustraire trois mètres aux dégagements du pont Jacques-Cartier. Le 49 m inscrit sur la carte marine deviendra 46 m et le 51 m deviendra 48 m.

Pour terminer, n’oubliez pas de garder une distance sécuritaire des lignes électriques parce que le point le plus bas peut se déplacer au gré des vents. Qui dit vents forts dit vagues et moins bon contrôle de votre embarcation.

Bonne préparation de navigation 2014!

Bernard Labrecque
Président
Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
bernard.labrecque@globetrotter.net

* Cette chronique a été publiée dans la parution Printemps 2014 de Québec Yachting.