J/88 de J/Boats

Un prétentieux qui a raison de l’être

De l’attaque et du mordant. À la première prise en main, brise de NE 15 nœuds et mer courte, le J/88 affiche sans ambiguïté sa vocation de belliciste. Un régatier. Rien à dire. On aurait tort d’écouter ceux (des jaloux) qui claironnent que le joujou est également conçu pour la balade avec bobonne et l’aréopage des héritiers. Personne n’ignore qu’en chaque père de famille se cache un baroudeur impatient d’en découdre.

Point n’est d’ailleurs besoin d’attendre très longtemps. À quai, pour sagement amarré qu’il soit, ce racer exhibe sans fards son potentiel : bout-dehors carbone et mât de même matière mais posé sur le pont sans le traverser, double étage de barres de flèche qui ne sont pas là pour épater la galerie, poulies de rappel d’écoute du triangle avant indiquant qu’aucun recouvrement ne viendra entraver un enchaînement de virements sauvages, bref, le costume du régatier dans toute sa splendeur. Au départ du port de La Rochelle, l’autre manette magique du J/88 impose sa pertinence : le moteur diesel interne de 14 ch autorise une sortie sans stress et des manœuvres sûres. Il permet également à l’équipage de préparer le pont et l’envoi des voiles choisies sur l’eau et non au ponton. On apprécie mieux les conditions de mer et de vent une fois dépassé les balises, tout le monde sait ça. Les voiles en question, des 3DI wardrobe chipées chez North pour l’occasion, donnent un tonus d’enfer à cette monture qui se cabre et s’ébroue dans la piaule avec le bonheur sain d’une monture taillée pour la course. Toujours rien à dire.

Braver une jauge sévère

En revanche, le digne successeur du J/92S ou même du J/111 (des bêtes de compétition dont il est plus ou moins la réduction) doit affronter le problème de tous les « J » : ce sont des bateaux très mal calibrés pour la jauge IRC qui rassemble la plupart des régatiers. Sa jauge (1.028) est sévère et seule la stricte monotypie autorise ses propriétaires à régater avec un espoir de parité. Difficulté que balaye le constructeur qui dit n’en avoir cure, considérant son poulain comme extérieur au problème. Le chantier anglo-saxon mise sur un développement rapide de la série pour assurer au 88 des lignes de départ entre frangins sans encombrement de rating superflu.

Malgré un marché difficile, les faits et surtout les ventes semblent lui donner raison : lancé en septembre 2013 le 88 a déjà enregistré 45 commandes fermes. Pour autant, le chiffre d’affaires de J composite, plombé par un marché britannique un peu souffreteux, est passé de 6,7 millions d’euros à tout juste 6 millions en fin d’exercice 2012-2013. Encore que le dernier Salon de Southampton, en septembre, ait un peu corrigé la donne avec cinq J/88 vendus pour un seul J/97. Reste le côté « sweet spot » revendiqué par le chantier qui met en avant le confort d’un cockpit fermé avec dossier, le fameux moteur interne rarissime dans cette catégorie, un agencement de carré intérieur propre à autoriser d’y passer la nuit sans trop de rugosité et une vraie table à carte pour faire bonne mesure. Ajoutez à cela un équilibre de poids permettant de lever les 2,2 tonnes avec un seul point d’amarrage central et on comprendra que pour une famille un peu sportive, l’engin ait de quoi séduire.

D’abord le frisson

Il emballera tout autant par un confort de circulation exceptionnel, le cockpit en forme de T comme le J/111, très ouvert, ménageant un espace bien dégagé, les manœuvres intelligemment rassemblées et le palan de rétraction du bout-dehors tout à fait accessible. À l’intérieur, le carré étant libéré de l’emplanture de mât (au passage, on notera que l’étanchéité n’en est que mieux assurée), on circule sans encombre. Les deux banquettes, la glacière et l’évier permettent d’organiser des nuitées sommaires au port, tandis que la pointe avant équipée et la possibilité d’y installer en option une couchette en V achèvent de tranquilliser l’équipage.

En résumé, J Composite propose un bateau résolument moderne, extrêmement vivant et capable de fournir un éventail de sensations assez proches du frisson. On serait gourmand à en réclamer plus. Rien à dire.

FICHE TECHNIQUE

Longueur hors tout : 29 pi 19 po / 8,90 m
Longueur de flottaison : 26 pi 84 po / 8,18 m
Largeur : 9 pi 50 po / 2,90 m
Tirant d’eau : 6 pi 50 po / 1,98 m
Déplacement lège : 4,990 lb / 2264 kg
Motorisation : 14 ch

Par Thierry Montoriol

*Essai publié dans le magazine Essais 2014 de Québec Yachting.