Les secrets de la puissance des moteurs
Bien mesurer et gérer la puissance du moteur afin d’obtenir le plein potentiel pour votre embarcation
Pour la majorité des propriétaires d’embarcations à moteur, la puissance en chevaux de leur moteur n’est qu’un simple facteur qui fait avancer leur bateau plus rapidement. Pour certains, c’est tout ce qu’ils veulent savoir. D’autres cependant voudront en connaître plus, comme la manière dont la puissance est générée, calculée et appliquée, afin d’obtenir le meilleur rendement à la fois pour le moteur et l’embarcation.
Si vous êtes peu intéressé au sujet, soyez tout à fait à l’aise, car vous n’êtes pas seul. Il y a aussi les fabricants de bateaux et de moteurs, leurs concessionnaires, de même que les organisations de l’industrie et organismes gouvernementaux de réglementation. Il faut quand même avouer que les concepteurs essayent de fournir des spécifications pour leurs moteurs permettant de fournir des données de performance selon la manière dont ils seront utilisés, que ce soit sur une embarcation plus légère, un ponton ou encore un plus gros bateau.
Pour ce faire, il existe des formules éprouvées – pour la plupart basées sur l’algorithme de Savitsky en matière de déjaugeage – qui aident à orienter les concepteurs de moteurs dans leur choix de puissance. Les fabricants de bateaux travaillent en étroite collaboration avec les fabricants de moteurs et effectuent ensuite de nombreux essais sur l’eau. Au moment où un bateau de production équipé d’un ou de plusieurs moteurs recommandés se retrouve sur le marché, tout se passe habituellement bien. Il suffira d’un essai sur l’eau pour convaincre l’acheteur que le bateau répond à ses besoins.
Indépendamment de l’estimation de la puissance du moteur, un bateau se doit d’atteindre son plein potentiel de performance. Pour un bateau sport, cela se traduit par une accélération lui permettant de déjauger rapidement et facilement ainsi qu’un fonctionnement répondant aux exigences de performance prévues et une haute efficacité à haut régime, que ce soit pour la pêche, les sports nautiques ou la randonnée.
L’hélice est également un élément clé de l’ensemble qui permet de faire déjauger facilement un bateau, soit entre 2000 et 3000 tr/min pour la plupart des propulseurs semi-hors-bord et encore plus en ce qui a trait aux moteurs hors-bord et à jet. Elle permet en effet au bateau d’atteindre la fourchette de puissance faisant partie des spécifications du fabricant du moteur. (Notons que le choix de l’hélice n’est pas une mince tâche et demeure important.)
Deux fabricants d’embarcations à moteur à jet, BRP et Yamaha, n’incluent pas dans leurs spécifications techniques la puissance du moteur. Les raisons peuvent paraître obscures, mais il s’agit sans doute d’une stratégie de vente ou encore de questions juridiques. En effet, la perte de puissance d’un moteur à jet peut aller jusqu’à environ 20 %, rendant ainsi les estimations en chevaux problématiques.
Quoi qu’il en soit, les WaveRunner et les bateaux sport Yamaha, de même que les motomarines Sea-Doo de BRP, offrent d’excellentes performances, même si on ne peut mesurer de façon précise leur nombre de chevaux.
Quand vient le temps de trouver l’adéquation parfaite en termes de puissance nominale entre un modèle de bateau et le choix d’un moteur, il existe toutes sortes de normes, réglementations et certifications. Tout cela peut nous aider.
« Dans la mesure où ils suivent la plaque de capacité et les recommandations du fabricant, les consommateurs sont assurés d’avoir un bon produit », affirme Michael Vollmer. Cet ingénieur et concepteur de yachts de Burlington en Ontario effectue des inspections de bateaux pour la National Marine Manufacturers Association (NMMA), l’International Marine Certification Institute (IMCI) et la Garde côtière canadienne en matière de certification.
Ces organismes de certification et de réglementation permettent de s’assurer de la conformité des modèles de bateaux mis en marché et offerts au public. Cependant, certains plaisanciers veulent en savoir plus.
Pour ce faire, commençons par quelques définitions.
Le cheval-vapeur a été utilisé à l’origine pour exprimer une équivalence entre la puissance fournie par un cheval tirant une charge et celle fournie par une machine de propulsion à vapeur. Il comprend des éléments de temps et de couple (mesurés en livres-pieds). Dans les années 1800, l’ingénieur James Watt démontra qu’un cheval pouvait effectuer un travail mesuré équivalant à 33 000 lb-pi par minute.
Le livre-pied (lb-pi) correspond au travail développé par une livre-force dont le point d’application se déplace d’un pied dans la direction de la force. La même force peut également être exprimée en watts, soit 746.
Les spécifications d’un moteur indiquent souvent l’équivalent métrique des chevaux-vapeur en watts. La puissance métrique en chevaux, parfois exprimée en picosecondes (ps), équivaut à environ 98,6 % de la puissance en chevaux-vapeur. Pour obtenir la puissance en chevaux, il suffit de multiplier le couple (lb-pi) produit en tours-minute (tr-min) et de diviser par un nombre constant, soit 5252. La puissance en chevaux produite varie selon le nombre de tours/minute à l’heure.
D’entrée de jeu, il est clair que le couple est un élément clé de la puissance en chevaux. Les propriétaires de gros croiseurs propulsés par des moteurs diesel ont compris cela. Le couple est également un élément important lorsqu’il est question de déjaugeage rapide et de bonne accélération à bas régime.
Le diagramme d’une courbe de couple (illustrant le couple en fonction du nombre de tours-minute du moteur) permet de démontrer là où un moteur développe sa puissance en chevaux. Ce qui est habituellement souhaitable pour un bateau est une courbe plate ou « grasse » offrant beaucoup de couple sur une plus vaste plage de régimes.
D’une manière générale, les moteurs diesel font le meilleur travail. Les moteurs hors-bord à deux temps obtiennent également de bons résultats. Quant aux fabricants de hors-bord à quatre temps, ils développent de nos jours des modèles offrant des profils similaires en matière de couple.
« C’est le couple qui va faire déjauger le bateau et le faire avancer », précise Adrian Rushforth de Mercury Marine Canada. « Le problème, c’est qu’on n’en parle pas assez. Pour ce qui est du nombre de chevaux, il est habituellement clairement indiqué, mais pour le couple, vous devez fouiller plus en profondeur pour le trouver. Les estimations de couple vont être différentes si vous avez un carter d’engrenage ou un rapport de transmission différent, ou encore si vous ajoutez des pièces à haut rendement sur votre moteur : ce dernier va alors fournir plus de couple à l’hélice. »
Si la tête commence déjà à vous tourner, laissez le soin à votre concessionnaire de vous guider à travers la jungle de moteurs offerts. Ce ne sera quand même pas mauvais si vous en savez un peu à propos de la puissance d’un moteur.
Laissons momentanément le couple de côté pour jeter un coup d’œil sur les estimations de puissance en termes de chevaux, soit la manière dont les fabricants les évaluent quantitativement.
Le couple peut être mesuré à l’aide d’un dynamomètre qui fait connaître la pression qu’un moteur exerce. La puissance en chevaux est alors calculée et exprimée à son point de production maximale. Les spécifications des moteurs diesel indiquent souvent le niveau de tours-minute qui prévalait lors de la mesure du nombre de chevaux ainsi que celui mesuré au niveau du couple maximal développé.
Des normes internationalement reconnues sont utilisées pour mesurer et exprimer la puissance en chevaux. Mais avec un moteur marin, la première variable est l’endroit sur le moteur (ou le moteur et la transmission) où cette mesure est faite.
Pour les moteurs installés dans une cale, la mesure est faite au vilebrequin et une norme ISO (Organisation internationale de normalisation) est souvent utilisée. Toutefois, depuis le milieu des années 80, les fabricants de moteurs hors-bord mesurent la puissance à l’arbre porte-hélice. Il en est de même pour les semi-hors-bord. Cela permet de tenir compte de toute perte de puissance de l’embrayage et de l’unité inférieure. Dans la plupart des cas, les fabricants emploient la norme 28/83 de l’ICOMIA (International Council of Marine Industry Associations), selon la procédure NMMA.
La norme alloue une marge d’erreur de plus ou moins 10 % pour mesurer la puissance en chevaux d’un moteur. Cela signifie qu’un moteur évalué à 150 chevaux pourrait en réalité livrer de 135 à 165 chevaux.
« J’espère que tous nos moteurs ainsi que ceux des autres fabric ants sont au-dessus et non en dessous de la marge d’erreur de 10 % », dit Rob Bradley, représentant chez Yamaha Canada. En effet, que penser des hors-bord à haut rendement qu’on retrouve dans plusieurs séries du fabricant? Ces moteurs, équipés d’unités de contrôle électronique, ne sont-ils pas conçus pour procurer plus de puissance en chevaux? Pas nécessairement.
Dans la gamme de Yamaha, par exemple, l’ultra performant VMAX SHO VF150 est bâti sur un bloc de 2785 cc, comparativement à 2650 cc pour le F150 à quatre temps. « Ce sont deux moteurs complètement différents, ajoute Bradley. Ils sont en deçà du 10 %. Ils possèdent tous les deux une puissance de 150 chevaux, mais leur courbe de puissance est différente. » Les deux moteurs Yamaha de 150 chevaux sont construits sur le même bloc, mais la version SHO est équipée d’une culasse différente et développe plus de puissance en chevaux à l’extrémité supérieure de la plage de régimes du moteur.
Mercury Marine offre également des hors-bord avec des estimations identiques de puissance en chevaux, mais avec certains modèles offrant un rendement supérieur. Prenons l’exemple du Mercury OptiMax 250 et de l’OptiMax Pro XS 250. Les deux sont des moteurs V-6 de 3 L à deux temps et à injection directe. Selon Adrian Rushforth, « Mercury s’est toujours vanté de livrer plus de puissance en chevaux. Ainsi, s’il s’agit d’un moteur de 250 ch, il livrera entre 258 et 260 ch, soit toujours un peu plus. Mais si on compare le Pro XS à l’OptiMax régulier, je ne crois pas qu’il y ait tellement de différence de chevaux, mais plutôt d’une différence au niveau d’autres composantes. Par exemple, le moteur possède un carter d’engrenage Torque Master ainsi que des clapets en fibre de carbone. »
Ainsi, au lieu de se concentrer sur le nombre de chevaux, nous devrions tenir compte davantage du couple et du choix de l’hélice. C’est le couple qui dicte le choix des moteurs diesel pour les gros yachts. Il maximise également le plaisir de conduire chez ceux qui possèdent des bateaux sport axés sur la performance.
Selon Mark Weigl, ancien champion de course au large et propriétaire de Tuff Marine, un fabricant de bateaux de haute performance basé à Cambridge (Ontario), plus votre moteur possédera un fort potentiel en termes de chevaux, plus vous vous sentirez d’attaque pour rivaliser de vitesse avec les autres bateaux. Cependant, c’est le couple qui vous exaltera le plus. En effet, plus le couple sera puissant, plus vous pourrez accélérer énergiquement et vous sentirez alors que vous êtes beaucoup plus rapide.
Weigl ajoute que certains moteurs à quatre temps offrent plus de couple. Une plus grosse cylindrée ajoutera du couple, mais les compresseurs de suralimentation et les turbocompresseurs en produiront également, et ce, sans ajouter beaucoup de poids.
Weigl construit actuellement un Tuff 28 qui sera équipé de deux moteurs hors-bord Mercury Verado 400. Les moteurs sont suralimentés et offrent beaucoup de couple. Selon lui, leur puissance en chevaux indique qu’ils pourront atteindre une vitesse de pointe de plus de 100 mph, mais le facteur amusement que procurera le couple fera en sorte que le propriétaire ne sera pas nécessairement tenté de toujours mettre pleins les gaz.
Comme la majorité des plaisanciers, vous n’avez peut-être pas besoin d’un moteur puissant et offrant du couple à profusion, mais il est toujours bon de posséder quelques notions en la matière : cela ne peut pas nuire.
Par Mike Milne
*Reportage publié dans le magazine Automne 2015 de Québec Yachting.