Naviguer en Méditerranée vous intéresse?
Voici ce qu’il faut savoir! ● Partie 1
Autant le dire d’entrée de jeu, Hilda et moi avons une opinion plus que favorable sinon un « penchant irrésistible » pour la Méditerranée! Ça explique que nous y soyons depuis 2006 à raison d’un mois par année en formule charter et, plus récemment, depuis l’achat de Dance Me en 2011, de quatre à cinq mois par année. Nous avons à ce jour couvert environ 10 000 milles nautiques en parcourant une partie des côtes d’Italie, du côté de la mer Tyrrhénienne et les Éoliennes. Sur l’Adriatique, nous avons fait la Slovénie, la Croatie et son incroyable archipel de centaines d’îles, dont plusieurs érigées en parc national, le Monténégro et son magnifique golfe du Kotor, la pauvre mais tout de même accueillante Albanie, la Grèce par le golfe de Patras et le mythique canal de Corinthe, quelques-uns des nombreux archipels grecs, en particulier les Ioniennes, les îles du golfe Saronique et, en mer Égée, les Cyclades, l’archipel du Dodécanèse et quelques Sporades, sans oublier les côtes de Turquie. Et il nous en reste au moins tout autant à découvrir!
C’est donc dire que l’est de la Méditerranée a beaucoup à offrir! Mais comme toute bonne chose, la perfection n’est pas de ce monde. Alors, si la Méditerranée vous attire, voici ce qu’il faut savoir pour en tirer le meilleur.
Sur le plan de la météo, il importe ici de se tenir à jour quotidiennement, car les conditions changent et sont parfois imprévisibles. La bora, en Adriatique, souffle du N/NE et peut atteindre B8 et plus sur l’échelle de Beaufort. Mieux vaut prévoir le coup et se mettre à l’abri. Le meltemi, en mer Égée, souffle de juillet à septembre et peut aussi atteindre B8 et plus. Ce dernier souffle quotidiennement pour progresser en après-midi et atteindre son sommet en fin de journée. Prévoir amorcer les longs passages tôt le matin pour éviter les pointes de fin de journée. Le sirocco, moins menaçant, s’installe occasionnellement pour souffler du sud. À surveiller aussi les catabatiques qui frappent le soir lorsque la fraîcheur des sommets redescend vers la mer. Il faut alors se méfier des mouillages au pied des parois élevées et escarpées, en particulier dans la région des Velebit, au nord de la Croatie, et le long des côtes turques où certains sommets atteignent plus de 2500 m. Il est recommandé aussi de garder une certaine distance au contournement des pointes pour éviter la surprise d’un venturi sculpté par la côte ou par un passage étroit et qui se traduit par un coup de vent soudain.
À noter qu’il ne pleut pratiquement pas entre les mois de juin et de septembre. La couverture nuageuse est pratiquement absente et le soleil assuré. La température varie de 25 à 28 °C en Croatie et en Italie, et entre 30 et 40 °C, parfois plus, en Grèce et en Turquie.
Sur le plan du pilotage, règle 101, la bouée rouge directionnelle en Europe doit être laissée à bâbord au retour. La règle du « Red Right Return » qui prévaut en Amérique pourrait vous valoir un échouement! Quant au reste, les consignes de navigation sont les mêmes. Par exemple, si deux navires se trouvent sur une route de collision, la priorité ira au navire de droite.
Sur le plan des manœuvres, la prise de quai en intimide plus d’un. Avec un peu de pratique, vous arriverez à coordonner vos membres d’équipage et à maîtriser l’approche. En formule charter, nous recommandons d’assigner chaque membre d’équipage à une tâche spécifique. Chacun apprendra ainsi à mieux maîtriser et à mieux coordonner sa manœuvre avec le reste de l’équipage au fil du temps.
La prise de quai se fait généralement par le tableau arrière ou alternativement par la proue pour une plus grande intimité, au choix du capitaine. Rarement aurez-vous l’occasion de vous amarrer à l’épaule à quai comme en Amérique.
Que vous optiez pour une prise de quai par le tableau arrière ou par la proue, les manœuvres restent et se pratiquent de deux façons, selon que vous ayez à jeter l’ancre ou à prendre une amarre de proue. Chacune requiert une approche différente.
En Grèce, par exemple, on doit généralement jeter l’ancre en face de l’espace souvent assigné par le maître de quai. Cette approche requiert une attention particulière pour ne pas jeter son ancre par-dessus celle du voisin, ce qui causera inévitablement un enchevêtrement des chaînes au moment du départ. Aussi, faut-il prendre soin de la jeter suffisamment loin pour avoir une bonne tenue une fois rendu à quai, sans quoi vous endommagerez le tableau arrière du bateau. Il faut aussi tenir compte du vent qui souvent souffle à B4, 5 ou 6, parfois par le travers, et ce, même à l’abri. Il faut donc compenser par des manœuvres plus rapides et plus assurées. L’astuce consiste, une fois l’ancre au fond, à faire marche arrière vers le bateau accosté au vent de votre espace prévu, si bien qu’au final, déporté par le vent, vous vous trouverez tout juste en face de votre position à quai. N’ayez crainte, la pratique aura raison de vos hésitations et tribulations des premiers jours.
L’autre méthode de prise de quai, offerte généralement par les marinas mieux organisées, consiste à récupérer une amarre de proue retenue au quai par une ligne de remise. Ainsi, vous n’aurez pas à jeter l’ancre ni à vous préoccuper de la distance à quai. Vous devrez plutôt saisir la ligne de remise présentée par le maître de quai avec votre gaffe et rapidement remonter par le passe-avant pour aller fixer l’amarre au taquet de proue. L’opération demande coordination et agilité afin d’éviter que votre voilier soit déporté par le vent.
Quelle que soit la méthode, vous aurez à vous familiariser avec le recul du bateau et le pas de l’hélice. À l’occasion, vous devrez vous résigner à vous faire une place à quai entre deux bateaux déjà amarrés, en particulier lorsque vous arriverez tardivement. La manœuvre est courante et bien acceptée en Méditerranée, au point où vos voisins accepteront volontiers de vous aider en relâchant leurs amarres de quai pour vous faire la place nécessaire. Le secret consiste à réaliser la manœuvre avec civilité et respect! Aussi, si vous en êtes à vos premières expériences de prise de quai en Méditerranée, planifiez arriver tôt à destination pour profiter de l’espace disponible et, surtout, n’hésitez pas à vous reprendre si vous le jugez nécessaire.
Tout aussi important, arrivez préparé! Les amarres installées aux taquets du tableau arrière prêtes à être lancées, les pare-battants positionnés aux bons endroits et à la bonne hauteur, l’annexe écartée des manœuvres.
Sur le plan de la location, la Méditerranée regorge d’opérateurs de charter offrant un choix inouï d’embarcations de 10 à 20 m et plus, voile ou moteur, avec ou sans équipage. Les forfaits « flottilles » sont particulièrement populaires. L’encadrement fourni par les organisateurs de flottilles offre plusieurs avantages. Les destinations choisies et souvent réservées à l’avance, les rapports météo quotidiens dont vous n’aurez pas à vous soucier, l’accueil à vos arrivées quotidiennes par le bateau amiral et l’animation à chaque escale en font une formule populaire, particulièrement auprès de ceux qui n’ont pas encore l’assurance nécessaire pour naviguer seuls.
Vous pouvez aussi opter pour un séjour sur une des centaines de gulets turcs. Ces navires, généralement tout de bois, de 20 à 60 m de long, s’apparentent à des goélettes. Les gulets sont construits dans des chantiers maritimes turcs et composés de 4 à 10 cabines en général. Ils offrent beaucoup de luxe et de charme. Offerts avec des équipages complets, incluant un chef cuisinier, ils peuvent être loués à la cabine ou en entier. Par ailleurs, si cette formule vous intéresse, ne vous fiez pas aux apparences, car ces goélettes naviguent rarement à voile. Alors, si vous souhaitez vivre l’expérience sous voiles, informez-vous à l’avance.
Quelle que soit la formule que vous privilégierez, optez pour des opérateurs responsables, engagés à vous offrir un support technique advenant un bris technique ou mécanique. À ce titre, les grands opérateurs, tels Sunsail, Moorings, Vernichos, Poseidon ou Kiriakoulis, sont recommandables. Par ailleurs, il y a aussi les plus petits opérateurs qui offrent le même support avec, en sus, un service plus personnalisé et une attention aux détails qui rendra votre expérience mémorable. Par ailleurs, le portail findaboat.co.uk offre des voiliers en location par des opérateurs responsables partout dans le monde, dont plus de 1800 unités en Méditerranée seulement. Notre expérience avec cette entreprise, de 2007 à 2010, s’est toujours avérée concluante. Et si la Turquie ou les îles grecques vous attirent, SK Yachting, au départ de Marmaris, est particulièrement recommandable.
Évitez à tout prix les locations auprès de particuliers. Souvent offerts à prix moindre, les voiliers peuvent vous réserver de mauvaises surprises. Vous risquez de compromettre vos vacances en ayant à passer quelques jours à quai pour effectuer une réparation imprévue ou régulariser des titres de propriété ou d’assurance non conformes.
Sur le plan des découvertes, la Méditerranée regorge de sites archéologiques souvent millénaires et parfois accessibles seulement par voie maritime, de villes et villages médiévaux généralement habités, parfois abandonnés. Vous serez charmé par ces petits villages médiévaux (choras) immaculés, accrochés aux corniches tout en haut avec leurs allées piétonnières étroites, ou par ces petites villes portuaires déployées en théâtre vous donnant l’impression de mouiller au beau milieu du centre-ville. Que ce soit en Croatie, en Grèce, dans les îles ou en Turquie, vous serez transporté pour peu que vous ayez des affinités avec l’histoire, l’architecture, la grande nature ou simplement le rythme de vie des habitants.
Au plan gastronomique et des approvisionnements, vous serez aussi agréablement surpris par les marchés hebdomadaires à ciel ouvert installés au centre du village ou en bordure de route. On y offre des fruits et légumes, des produits de la ferme goûteux vendus par les producteurs; des épices fraîches en grande quantité, sans oublier des fromages et des œufs frais. Du boucher, vous apprécierez les viandes fraîches de grande qualité, les spécialités locales et l’occasion de vous apprêter de l’agneau ou de la chèvre. Vous adorerez acheter vos poissons directement du pêcheur.
Vous pourrez vous procurer, parfois directement chez le producteur, des vins de belle facture, à prix très raisonnable (entre 5 et 15 euros) en Italie, en Croatie et en Grèce en particulier. Des vins élaborés localement, sans prétention, frais, légers et délicieux!
Vous apprécierez les restaurants à profusion avec leurs menus du moment, frais, simples, sains, à des prix très raisonnables, parfois ridicules! Des plats traditionnels comme ces calamars apprêtés sous la cloche en Croatie ou comme cet agneau ou ce porc sur la broche offert en Grèce, ou encore le mezzé en Turquie.
Sur le plan des compromis, vous aurez à faire des choix! En Méditerranée, vous ne pêcherez pas votre repas du soir tous les jours, loin de là! La pêche ici a été surfaite, donc point de salut! Du même coup, la plongée d’intérêt se limite aux sites archéologiques et aux épaves sous-marines. La faune aquatique a pratiquement disparu. Vous verrez bien quelques beaux petits spécimens de poissons exotiques en apnée. En navigation, vous croiserez des bancs de thons et de dauphins et vous verrez quelques tortues, mais rien de comparable aux Antilles.
Au plan humain, vous serez charmé par les habitants de la Méditerranée, en particulier par la simplicité, l’authenticité et l’accueil des insulaires grecs. Hilda et moi regorgeons d’anecdotes où nous avons pu échanger avec les locaux qui, lorsque nécessaire, n’ont pas hésité à nous venir en aide. Les Turcs sont tout aussi attachants et se démarquent par leur gentillesse et leur intégrité. À plusieurs endroits où nous nous sommes invités, nous sommes repartis en amis. Et que dire de ce jeune Turc qui, voyant que nous devions payer avec une carte de crédit alors que le restaurateur n’offrait pas de crédit, s’est avancé, sans nous connaître, pour nous prêter 200 lires turques (100 CAD) qu’on allait lui rembourser deux jours plus tard à 50 km de là! En mer Égée, la confiance est d’usage. Nul besoin de fermer à clé ou de sécuriser l’annexe! La confiance et le respect du bien d’autrui sont omniprésents.
Vous souhaitez laisser votre voilier en Europe? Ayez l’esprit tranquille. Plusieurs chantiers maritimes offrent une prise en charge complète de votre voilier, incluant les sorties et mises à l’eau, la surveillance ainsi que les travaux d’entretien usuels et de réparations. De petits entrepreneurs spécialisés offrent également une prise en charge et des services de surveillance, d’entretien et de réparations. À titre d’exemple, SK Yachting, qui opère une base charter d’une trentaine de voiliers, met à la disposition de particuliers son équipe d’entretien. Ainsi, nous pouvons faire appel à ses ingénieurs, mécaniciens, électriciens, plongeurs et équipe d’entretien en tout temps moyennant compensation. À notre arrivée en octobre dernier à la marina Yacht Marine, notre port d’attache en Turquie, nous avons déposé une liste de travaux et d’entretien à effectuer. Rapidement, Metin, de SK Yachting, nous a fourni une estimation des travaux et nous avons conclu une entente. Dance Me restera à l’eau six mois, permettant de partir les systèmes toutes les deux semaines, et deux mois sur le dur pour effectuer l’entretien et l’inspection des composantes immergées, en plus de refaire l’antifouling.
Pêle-mêle
• Les principaux points de chute susceptibles de vous accommoder sur le plan de la location de charter ou des services d’entretien et de réparations sont les suivants :
– En Croatie : Split, Dubrovnik, Pula (Les Marinas ACI)
– En Italie : Naples, Procéda,
– En Grèce : Corfu, Pireus, Samos, Rhodes, Kos, Athènes,
– En Turquie : Marmaris, Bodrum, Fethiye
• Les périodes propices
– Mai, septembre et octobre sont les périodes les plus intéressantes pour la météo, l’achalandage et la faible pression touristique sur les sites à visiter.
– Avril et novembre constituent aussi des périodes intéressantes dans le sud de la mer Égée. Peu d’achalandage, météo généralement clémente, quoique les températures soient plus fraîches. Escomptes intéressants offerts par les opérateurs de charter. Tranquillité assurée dans les grands centres touristiques.
– Juin, juillet et août sont populaires et très achalandés. Les mouillages encombrés et les nombreux équipages en formule charter trop souvent peu expérimentés vous causeront des inquiétudes et parfois des nuits blanches.
– Décembre à mars sont à éviter.
• Une réservation à l’avance vous fera réaliser des économies
– En réservant à l’avance, vous obtiendrez généralement un escompte de 5 à 10 % de l’opérateur, surtout si vous réservez deux semaines et plus.
– Du coup, vous voudrez acheter vos billets d’avion à l’avance pour réaliser des économies additionnelles. À titre d’exemple, deux billets aller-retour Montréal-Istanbul, en classe économique, achetés cette année en janvier, nous ont coûté 1 550 $ comparativement à 2 130 $ l’an dernier, avec des billets achetés en mars, soit une économie de près de 600 $!
• À retenir
– En Méditerranée, les marées sont négligeables (< 30 cm) et les courants n’excèdent que très rarement 1 ou 2 nœuds. Ici, pas de saison d’ouragans et pour ceux qui possèdent leur bateau, des coûts d’assurance plus faibles que dans les Antilles ou dans les Bahamas.
– Couverture cellulaire exhaustive. Les forfaits « Pay as you go » sont disponibles partout et peu coûteux sur présentation de votre passeport.
– Wi-Fi disponible partout. De plus, les opérateurs de charter offrent des modems Wi-Fi à bord de leurs voiliers moyennant compensation. Ces modems très pratiques peuvent desservir six unités à la fois.
– Les mots d’usage en langue du pays, fortement conseillés, changent complètement votre relation avec les locaux et enrichiront votre expérience.
– Vous serez peu ou pas incommodés par les animaux nuisibles ou les moustiques.
– Vous devrez par ailleurs éviter les baignades de minuit à cause de la remontée des méduses dans certaines régions.
– Vous devrez également prendre un minimum de précautions pour vous prémunir des vipères et des scorpions que vous pourriez rencontrer hors des sentiers battus et dans les sites archéologiques non exploités de Turquie. Sans être mortelles, les morsures de ces bestioles peuvent vous rendre malade et vous envoyer à l’hôpital.
– Les systèmes de santé sont adéquats partout où nous sommes passés. En Turquie, on pourrait même les qualifier d’exceptionnels et peu coûteux. Les visites spontanées sans rendez-vous s’organisent facilement, surtout si on sait que vous êtes de passage. Les frais de consultation varient de 40 à 60 €. Même que sur l’île de Symi, la consultation fut gratuite!
– Si vous louez un véhicule sur les îles grecques, souvenez-vous qu’ici, la priorité à droite prévaut toujours. Par exemple, une fois engagé dans un carrefour giratoire, vous devrez laisser la priorité aux voitures entrantes. Aux intersections de routes de mêmes dimensions sans arrêt obligatoire, vous devrez vous arrêter pour laisser passer la voiture venant de votre droite.
– Les heures d’ouverture des commerces varient d’un pays à l’autre, mais règle générale, ils ouvrent tôt le matin et ferment tard le soir pour se réserver une sieste l’après-midi.
– Les marchés et les épiciers offrent souvent un service de livraison au bateau (fiable) si vous en faites la demande.
Au final,
Ce que vous apprécierez par-dessus tout se décrit difficilement puisqu’il est dans la trame. En Méditerranée, l’atmosphère des lieux est habitée par une histoire riche, issue d’un des grands berceaux de l’humanité. Une histoire où la mythologie et le surnaturel se conjuguent aux hommes et aux faits bien réels pour laisser planer un air de fantastique bien palpable. Ajoutez à cela cette nature spectaculaire et souvent surdimensionnée qui trouve à vous envoûter et vous avez là les ingrédients d’une expérience inoubliable. Si vous êtes amoureux de la mer, alors offrez-vous une fois dans votre vie la Méditerranée!
Hilda et Jacques sur Dance Me
Hilda et Jacques naviguent en Méditerranée depuis 2005. Pour tout commentaire ou toute information supplémentaire, n’hésitez pas à leur écrire à j.chalifour@chalifourcom.com.
Par Jacques Chalifour
Photos : Hilda Luyt
*Reportage publié dans le magazine Printemps 2015 de Québec Yachting.
Vous pouvez consulter la partie 2 de ce reportage au https://www.quebecyachting.ca/2015/conseils-et-chroniques/naviguer-en-mediterranee-interesse-2/.