Naviguer en Méditerranée vous intéresse?
Voici ce qu’il faut savoir! ● Partie 2
À peine avions-nous terminé notre article paru dans l’édition Printemps 2015 de Québec Yachting que Hilda et moi sentions le besoin de poursuivre, tellement le sujet est vaste. Alors, avec l’accord et l’enthousiasme de l’éditeur, voici ce complément d’information qui, nous l’espérons, vous sera utile.
Séjour en charter
Alors, vous envisagez un séjour en Méditerranée sur charter? Pas de problème! Dans l’article précédent, nous faisions référence aux opérateurs, aux formules proposées, aux principaux points de chute ainsi qu’aux précautions à prendre.
Quels que soient les endroits visités, en Adriatique, en Mer Égée ou en Méditerranée, rappelez-vous que vous aurez à maîtriser la prise de quai à la méditerranéenne. Avec un skipper, le problème ne se pose pas et en flottille, beaucoup moins étant donné que vous serez pris en charge et guidé tout au long de votre séjour. Par contre, en formule « Bareboat », il vous faudra un peu de pratique afin de maîtriser la manœuvre et vous mettre le bateau bien en mains. À cet égard, vous voudrez peut-être envisager de retenir les services d’un skipper professionnel pour un jour ou deux, question de vous familiariser avec la manœuvre et ses variantes et ainsi prendre de l’assurance.
En navigation, rappelez-vous aussi de l’inversion de la bouée rouge qu’il faut garder à bâbord au retour. Toutes les autres règles de navigation demeurent les mêmes. Aussi, en expédition terrestre informez-vous toujours des règles de conduite locales.
Nous pourrions ajouter que la location de voitures et surtout de motos ou scooters comporte des risques et doit être prise au sérieux. Un accident avec blessé sur une île grecque peut devenir un véritable cauchemar. Il importe de louer un véhicule à deux roues seulement si vous en avez l’expérience et, dans tous les cas, de respecter rigoureusement les règles de conduite.
Soyez bien documenté!
Que vous soyez en formule charter ou sur votre propre bateau, assurez-vous d’avoir des cartes marines papier. Le « Pilot » de Rod Heikell constitue, à notre avis, l’un des meilleurs outils pour planifier vos routes et vos arrivées. À l’époque où nous naviguions en formule charter, chaque année, nous nous procurions le « Pilot » de Heikell pour prendre connaissance des caractéristiques de la région que nous allions visiter. Nous pouvions ainsi préparer notre plan général de navigation.
Aujourd’hui, nous ne saurions nous priver du « Greek Water Pilot » de Heikell, étant donné l’information abondante décrivant dans leurs moindres détails les aménagements portuaires grâce à des diagrammes, les précautions à prendre et l’inventaire des services disponibles localement, le tout mis à jour périodiquement partout dans les centaines d’îles grecques. Le répertoire comporte également des données historiques et des anecdotes mythologiques qui nous font aimer davantage chacune de nos escales. Heikell couvre plusieurs régions de la Méditerranée, dont certaines éditions portant sur les côtes de Turquie, l’Adriatique, l’Italie, la Corse et bien d’autres.
Assurez-vous aussi de vérifier l’exactitude des documents du bateau dont vous prendrez possession en formule charter et conservez vos documents en bon ordre, rangés dans un endroit facile d’accès, car vous aurez à les présenter régulièrement. Voici les documents particulièrement importants :
- Certificat d’enregistrement du bateau (vérifiez qu’il s’agit du bon document)
- Certificat d’assurance (vérifiez les dates en vigueur)
- Liste des membres d’équipage et des invités, soit la « crew list » à jour et portant le sceau des autorités portuaires
- Vos cartes de compétence
- Passeports
Les formalités
Les formalités douanières et les règles concernant les visas, la durée de séjour et les permis de navigation varient d’un pays à l’autre, même si plusieurs font partie de la Communauté européenne. Aussi, l’entrée récente de la Croatie dans la CE et les changements dans le gouvernement grec à la suite des récentes élections ont contribué à créer de la confusion.
Pour toutes ces raisons, en formule charter, vous aurez intérêt à demeurer dans le pays que vous aurez choisi de visiter et éviter les procédures douanières parfois longues et fastidieuses, à moins bien sûr que votre opérateur vous y encourage.
Sur votre propre bateau, vous n’aurez d’autre choix que de changer de pays. Vous aurez alors intérêt à retenir les services d’un agent douanier pour effectuer vos entrées et sorties de pays et éviter ainsi tracas et perte de temps. En Albanie, cette pratique est même obligatoire dans chaque port et à chaque escale en raison de la barrière linguistique et dû au fait qu’il vous faut régulariser votre statut en arrivant à quai, quelle que soit votre provenance. Vous aurez à annoncer votre prochaine escale à votre agent et obtenir de lui votre quittance avant de repartir. Sans cette quittance, vous ne serez accueilli nulle part puisque vous n’aurez pas en mains le document prouvant votre provenance. Ultimement, vous ne pourrez même plus sortir du pays!
La Croatie, de son côté, est particulièrement stricte et tout écart aux règles prescrites concernant en particulier les droits de navigation et le nombre de membres d’équipage enregistrés à la « crew list » peut entraîner de sévères amendes.
En contrepartie, les Grecs affichent un certain laxisme envers leurs formalités et leur tarification. Sur l’île de Symi, par exemple, où il est facile d’effectuer les formalités soi-même, après une escale de cinq jours et avant de quitter pour la Turquie, les autorités portuaires ont tout simplement signé mes papiers de sortie et récupéré mon transit log, sans jamais me réclamer mon séjour à quai! Même chose sur l’île de Nisyros, où le chef de quai ne s’est jamais présenté au cours des trois jours passés à quai.
Il importe par ailleurs de connaître les procédures et à les respecter, quel que soit le pays, considérant qu’on a souvent affaire à de jeunes recrues, parfois même à des stagiaires de la Garde côtière avec beaucoup de pouvoirs sans toutefois maîtriser les procédures. Vous pourriez être mis à l’amende ou pire, c’est-à-dire le bateau mis en détention sans motif raisonnable. La règle d’or : toujours, toujours demeurer courtois!
La sécurité
La Méditerranée demeure un endroit sécuritaire, à l’exception de la zone de guerre située à l’est de l’île de Chypre ou du 33e méridien. Le site noonsite.com est une excellente référence, car il assure une veille et affiche un répertoire annuel des actes criminels et de piratage à travers le monde. Le site, alimenté par ses usagers, fait état en 2014 de seulement quelques rares incidents en Méditerranée. Ces actes ont eu généralement lieu à l’ancre, alors que les équipages étaient à chaque occasion absents. De plus, ces incidents ont tous eu lieu aux mêmes endroits, soit la baie de Gocek et face à la marina Scopea. Le rapport 2015 ne rapporte aucun incident à ce jour. Il faut reconnaître par ailleurs que l’activité nautique dans cette région du monde est à son plus bas à cette période de l’année. Quoi qu’il en soit, Hilda et moi ne nous sommes jamais sentis menacés en dépit du fait que nous avons à plusieurs reprises mouillé dans des endroits isolés et souvent avec des voisins éloignés.
Ce site est hautement recommandé puisqu’il comporte une foule de précieux renseignements pour les marins, quels que soient les lieux visités dans le monde. Documenté par les usagers et géré par une petite équipe de passionnés, ce site offre de l’information à jour sur près de 200 pays et plus de 2000 ports et escales. Nous le considérons comme une source d’information, particulièrement lorsque nous devons passer d’un pays à l’autre. Tous les aspects y sont couverts : des formalités douanières aux règles d’usage en passant par les conditions météo, les us et coutumes, les sites à consulter et les adresses importantes. Cet outil, mis sur pied par Jimmy Cornell, le père de l’ARC, est idéal pour planifier votre prochaine croisière en Méditerranée!
Qu’en coûte-t-il de naviguer en Méditerranée?
Les coûts varient beaucoup d’un pays à l’autre, mais ils demeurent pour l’instant partout abordables. On peut vivre très bien au quotidien sur son bateau avec 60 % du budget requis au Québec. En cherchant un peu, le propriétaire d’un bateau dont la taille est, disons de 12 m, trouvera en Croatie, en Grèce ou en Turquie un bail annuel en marina pour environ 4 000 €. Les assurances tourneront autour de 1 500 € selon la valeur du bateau et l’historique de réclamations.
Les escales à l’ancre sont généralement gratuites, sauf dans certaines baies et dans les parcs nationaux de Croatie où un droit d’entrée ou de séjour est souvent exigible. Le coût d’une nuitée dans les marinas pour un 12 m peut atteindre 60 à 100 € en Croatie et +/- 45 € en Grèce et en Turquie. Les services en eau/électricité vous seront facturés séparément à raison de +/- 5 € chacun par jour et seulement si vous en avez besoin. Les autorités portuaires grecques omettront parfois de vous réclamer le montant tandis que les restaurants turcs ayant un quai vous accueilleront gratuitement si vous acceptez de manger à leur table. En Grèce comme en Turquie, on peut naviguer la majorité du temps sans payer quoi que ce soit. Il s’agit d’opter pour des mouillages forains, parfois tout juste à l’extérieur du port, et s’offrir un resto à l’occasion. Alors, on optera pour une prise de quai seulement lorsqu’on a besoin d’approvisionnements importants, de réparations où lorsque le mauvais temps se fait vraiment menaçant.
Les frais de navigation varient de 300 € en Croatie à 30 € pour un transit log en Grèce. Cette politique en Grèce est toutefois appelée à changer pour éventuellement passer à 400 € et beaucoup plus pour des navires de plus de 12 mètres.
En profitant des marchés publics et en évitant les trappes à touristes, vous arriverez à vous approvisionner et à manger au restaurant à des prix très raisonnables. Bières locales (moins de 1 €) et vins locaux (moins de 8 €) sont de véritables aubaines. La Croatie, l’Italie et la Grèce en particulier offrent de très bonnes bières et d’excellents cépages.
En formule charter, nous vous conseillons d’éviter les tarifs haute saison et d’opter plutôt pour les mois de mai-juin ou septembre-octobre. Vous bénéficierez de prix spéciaux, de meilleurs bateaux et de meilleures places à quai. À titre d’exemple, en louant un voilier de 12 m d’un opérateur responsable pour une période de deux semaines, il vous en coûtera approximativement 3 500 € pour le bateau pouvant accueillir 4 à 6 personnes confortablement : ce qui représente moins de 1 000 €/personne, basé sur 4 personnes pour deux semaines, billets d’avion, nourriture, quaiage et diesel en sus. Quand même abordable pour voyager autrement! Si vous retenez les services d’un skipper professionnel, comptez 140 €/jour + nourriture ou +/- 40 € par personne.
Alors, laissez-vous tenter! Faites comme nous et venez découvrir le charme et la splendeur de la Méditerranée, ses peuples, ses espaces et son histoire. Dépaysement assuré.
Si vous succombez, Dance Me et son équipage vous souhaitent « Bon vent et bonne voile » et si vous passez par la mer Égée cet été, surveillez le drapeau canadien.
Au plaisir de croiser peut-être votre vague d’étrave!
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Quelques adresses utiles
mediterraneansailing.info/rodheikell.htm#602112257
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Hilda et Jacques sur Dance Me
Hilda et Jacques naviguent en Méditerranée depuis 2005. Pour tout commentaire ou toute information supplémentaire, n’hésitez pas à leur écrire à j.chalifour@chalifourcom.com.
Par Jacques Chalifour
Photos : Hilda Luyt
*Reportage publié dans le magazine Été 2015 de Québec Yachting.
Vous pouvez consulter la partie 1 de ce reportage au https://www.quebecyachting.ca/2015/conseils-et-chroniques/naviguer-en-mediterranee-interesse/.