Monte Carlo 5 – Un petit palais naviguant dans la lumière
Premier des grands ou dernier des petits, le nouveau Bénéteau à moteur, baptisé MC5, illustre la volonté du chantier français d’investir en force le secteur des yachts de luxe. Résultat : ce petit bijou de palais flottant, super motorisé, où le raffinement est la norme ordinaire et le style de vie résolument dédié à l’upper class. Le Monte Carlo 5 est donc un bateau où la griserie de la vitesse cède le pas aux plaisirs flatteurs de l’élégance comme aux joies d’un confort encore inégalé. En résumé, la vie de château, mais sur l’eau, symbole de liberté à bord de son propre bateau, symbole de distinction et avec le choix de la destination et du mouvement, ce qui n’existe pas sur les palaces de grande croisière. Subtil cocktail dont le Monte Carlo 5 est le premier échelon, long de 15 mètres et réservé à ceux qui peuvent débourser sans trop compter.
Visionnaire de la plaisance
Du nom d’une principauté sanctuaire du luxe, Monte-Carlo, le MC5 est né d’une rencontre sur une plage. De celle où débarquent les grandes dames du yachting mondial. Une plage de luxe, bordée d’arbres idylliques sur l’île Maurice. C’est là qu’en 2007, des femmes se réunissent entre elles pour parler business. Parmi elles, Annette Roux, à la tête du groupe Bénéteau, et Carla Demaria, qui collabore au groupe italien Azimuti-Benetti. Un an plus tard, deuxième naissance : le chantier Monte Carlo Yacht. Objectif : marier les meilleurs designers de la planète, italiens naturellement, avec les visionnaires du premier groupe mondial de la plaisance sur un secteur qui lui échappait en partie. Chez Bénéteau & Jeanneau, jusqu’à présent, on construisait 50 % voile, 50 % moteur. Le marché mondial représente 10 % voile et 90 % moteur. La tentation était grande. Annette Roux vise désormais le super luxe motorisé pour assurer son développement. Pour y parvenir, il ne faut pas lésiner. Ce sont les princes du stylisme vénitiens Nuvolari et Lenard qui sont choisis pour le design. Ça se voit. La carène d’abord. Pour loger trois ponts dont pas un ne veut être privé de lumière naturelle sans alourdir la silhouette, il a fallu trouver des tonnes d’ingéniosité, allonger le flybridge à sa limite arrière et imprimer à la coque un bel élancement vers l’étrave, comme un cheval s’apprêtant à enlever l’obstacle. La peinture des flancs, en flèche vers l’avant, souligne cet élan volontariste. Dédié à l’air libre, le cockpit reçoit un salon extérieur de six places où l’on peut allonger ses jambes en travers, ce qui est rare sur des unités de cette taille. La plage de bain est lattée en bois massif naturel, tandis que les marches de l’échelle de bain, également en bois massif, s’escamotent dans la plateforme. Les mains courantes sont en inox et non en acier chromé, gage d’éclat inaltérable. Coûteuse mais noble distinction. Naturellement, la douchette, très accessible, offre son mitigeur aux baigneurs et même les plus maladroits ont suffisamment d’espace pour n’éclabousser personne. Sept marches conduisent au flybridge où s’exprime avec bonheur le mélange griserie du vent et souffle du soleil. La sellerie en « diamante snow », dit aussi « passepoil Diamante Espresso » accentue l’impression générale de confort et d’élégance du salon pour huit personnes assez haut perchées pour dominer les eaux. Au mouillage, on peut compter les oursins sur le sable. Et à table, on peut compter sur le meuble cuisine juste à côté pour servir poissons grillés, côtelettes et poivrons braisés si on en a envie. Détail domestique mais capital : les rangements et surtout la poubelle sont parfaitement dimensionnés, bien que discrètement habillés de bois massif.
Baies vitrées et hublots… ouvrants!
Place privilégiée du pilote, toute la timonerie du poste principal est doublée à 6 mètres de hauteur derrière un pare-brise teinté de gris et ceinturé d’inox, là encore. Tous les instruments sont sous les yeux : commandes moteurs électriques, indicateurs d’angle de barre, compte-tours, jauge carburant, prise 12 V, joystick IPS et même les commandes de guindeau, de flaps, d’éclairage et de pompes de cale. En évolution, ce 15 tonnes est surprenant, prenant bien appui sur ses bouchains pour permettre des virages sans gîte excessive, même avec des angles un peu aigus. Évidemment, à l’approche de 25 nœuds de vitesse, on évitera d’exiger trop de la double direction avec hélices contrarotatives « Jackshaft », encore que les deux Volvo 435 ch diesel (ou 2 x 307 w) assurent une poussée particulièrement fluide et confortable. Côté consommation, en vitesse de croisière, 8,6 nœuds à 1500 tours, le prélèvement de carburant se limite à 14,2 litres et assure 700 milles nautiques d’autonomie. Pour 15 nœuds de vitesse, on passe à 73 litres. Pleins gaz, 30,5 nœuds, la poussée engloutit 160,9 litres et réduit l’autonomie à 219 milles.
La dimension « palace » révèle toutes ses ambitions dans le carré d’abord et dans les cabines ensuite. Là, on s’extasie de ce qu’ont réussi stylistes et ingénieurs ergonomes. D’abord parce que les seconds ont donné aux premiers toute la lumière possible pour que leur art soit aveuglant. On retrouve ici, en mieux, ce que Bénéteau avait produit pour les gammes « Gran Tourismo » et « Flyer ». Banquette et coussins en piqûre sellier, couleur taupe claire et gris souris, tissus « Divine » pour la table accueillant quatre à six convives et table en bois massif avec dessus en cuir pierre grise à la mode florentine. Le must. Dans la cabine propriétaire, qui n’est pas à l’arrière mais au milieu, là où les mouvements de mer sont quasiment insensibles, on trouve 1,85 m de hauteur sous barrots, deux immenses hublots de part et d’autre, un lit à lattes d’une dimension romaine (2,03 x 1,56 m), un canapé de repos qui sert d’appui à la vision romantique des flots extérieurs, les yeux collés à l’ouverture et le nez dans les vagues. Les salles d’eau laissent peut-être un peu trop de volume aux penderies de la cabine, mais la pluie de lumière qui les inonde donne à la moindre douche un parfum d’exception qu’on aurait du mal à dénicher sur des unités comparables. La cabine invité, un peu plus haute de plafond (1,94 m), dispose elle aussi de quatre hublots ouvrants (incroyable audace, mais à surveiller de près en route). Seul bémol : les vasques qui font office de lavabo restent affleurantes et on voit mal comment l’eau d’un rasage, par exemple, n’irait pas dégoutter ici et là de façon inopportune à la première vaguelette. En revanche, dans l’espace douche, l’armateur dispose de 2 mètres pour chanter sous la pluie… Si on ajoute au tableau général que les descentes, escaliers et volées de marches donnent le sentiment de se promener dans un théâtre, ce Monte Carlo 5 fait littéralement serment de ses promesses.
FICHE TECHNIQUE
Longueur hors tout : 49 pi 6 po / 15,10 m
Longueur de la coque : 43 pi 6 po / 13,25 m
Largeur : 14 pi / 4,27 m
Tirant d’air : 19 pi 2 po / 5,85 m
Tirant d’eau : 0,90 à 1,27 m / 2 pi 11 po à 4 pi 2 po
Déplacement lège : 33 399 lb / 15 154 kg
Réservoir d’essence : 2 x 172 gal US / 2 x 650 litres
Réservoir d’eau : 2 x 87 gal US / 2 x 330 litres
Motorisation : Volvo 2 x IPS 600
Par Thierry Montoriol D’Entrayigues
*Essai publié dans le Spécial Essais 2015 de Québec Yachting.