Sun Odyssey 349 – Dix mètres pour trois cabines!
L’intention du constructeur tient d’abord compte de celle des utilisateurs et rejoint celle des jurys de presse. Si Jeanneau n’a jamais fait de « loupés » dans ses choix, on sent bien qu’avec ce nouveau Sun Odyssey, la hiérarchie des exigences est clairement dictée par les vœux du marin. Les journalistes américains des magazines Cruising World et Sailing World ne s’y sont pas trompés. Pour leur distinction annuelle, nos confrères ont attribué, dès le mois de décembre dernier, non pas un, mais deux prix pour le seul 349. Celui du meilleur bateau de l’année (importé, car nos voisins savent protéger leur industrie…) et celui du meilleur « best pocket boat », ce qu’on peut traduire par le savoureux « bateau de poche » ou plus prosaïquement, le meilleur des moins de 35 pieds. Ces deux distinctions ne sont pas volées. Ce qui a d’abord motivé l’enviable sentence de nos confrères, c’est le rapport qualité-prix et, selon eux, « le marché parle de lui même ». Il est vrai qu’avec 100 bateaux vendus aux États-Unis dès les premiers mois, les clients avaient déjà jugé.
Équation financière résolue
Le 349 est en ce sens un voilier très polyvalent qui résout fort bien l’équation financière assez complexe des bateaux de moins de 30 pieds. Restait à voir ce que ce compromis donnait sur l’eau.
Mon bateau de location n’a que quelques mois. Il n’est ni fatigué ni stigmatisé par un usage intensif. Les voiles en Dacron sont bien un peu molles, mais l’ensemble inspire confiance. C’est tant mieux parce que ce jour-là, la brise est au rendez-vous : 20 noeuds établis, rafales à 25-28 noeuds. Dehors : mer courte et clapot croisé devant La Rochelle. Mon équipage sort d’une série de régates sur Grand Surprise et ne craint nullement une virée un peu musclée. Très vite, le 349 montre ses talents. Voile à corne haute et génois à faible recouvrement entièrement déroulé, il pénètre la vague sans efforts et sans gîte excessive. Aucune tendance à partir au lof comme on aurait pu s’y attendre. Les deux safrans, parfaitement excentrés et bien profonds, font la différence. La version quille longue qui m’a été confiée gagne 49 cm par rapport à la version lest court et on sent nettement que la stabilité est au rendez-vous, même voiles bordées à plat. Il existe aussi une version à quille pivotante, actionnée par un vérin hydraulique couplé à un moteur électrique sans doute moins raide à la toile. L’échouage à plat ne pourra cependant se faire qu’avec une paire de béquilles, les deux safrans interdisant un simple appui. L’attitude générale de cette carène de Marc Lombard aux bouchains évolutifs montre une belle puissance dans la brise associée à une mer peu indulgente. Le système d’écoute de foc, avec point de tire en 3D hérité de la course au large, fonctionne à merveille et permet de s’affranchir du rail d’écoute, plus lourd et moins précis.
Trois mètres carrés de plus dans la corne
Le contrôle des doubles barres à roue se fait en douceur, avec précision et sans effort. Le vent montant, il nous faudra bien prendre un ris. Aucun problème, même s’il faut un peu grimper sur le bimini ou sur la bôme pour ferler le lazy-bag. La mer se creuse et le 349 poursuit ses galopades comme un jeune cheval. Le gréement étant dépourvu de pataras, nous prendrons un second ris pour soulager le mât équipé de deux étages de barres de flèche poussantes qui permettent les 3 m2 supplémentaires de la corne. Inconvénient : au vent arrière, la grand-voile a tendance à porter sur les fameuses barres de flèche. On s’en accommode d’autant plus facilement qu’un pataras textile est prévu en option. Un conseil : ne vous en privez pas.
À l’escale, descendu dans le carré, le 349 ne ment pas. Contrairement au 33i, son prédécesseur, deux grands hublots de coque placent l’équipage de plein œil avec la mer. La hauteur sous barrots va de 1,88 à 2 m, assurant une circulation d’autant plus agréable qu’il y a des mains courantes bien placées de chaque bord. L’impression de volume s’impose d’emblée, notamment grâce aux deux portes de la cabine avant qui s’ouvrent largement vers l’intérieur. Tout comme la cabine propriétaire, les deux cabines arrière offrent chacune des couchages de 1,40 m x 2,00 m, heureusement éclairés par deux hublots ouvrants et un petit hublot fixe tout mignonnet.
On a vite fait de se croire sur un 40 pieds
La table à carte, suivant la tendance du moment, est perpendiculaire à la route et on se contente de 49 x 65 cm pour disposer carte ou matériel : bien suffisant pour une navigation côtière. Les banquettes sont appuyées par de vrais dossiers épais, aux tons clairs ou ardoise. La présence de bois blonds, généreusement distribués, accentue le côté cosy chaleureux.
Les aménagements de la cuisine sont pensés par quelqu’un qui sait ce que marmitonner en mer veut dire. S’il y avait un évier de plus, le bonheur serait complet. C’est l’ennuyeux avec ces ergonomies modernes : on a vite fait de se croire sur un 40 pieds. Revenu au ponton sous le soleil, le sentiment que laisse ce croiseur familial à l’esthétique racée est celui d’un compagnon honnête, rapide, puissant et sûr, qui réclame le minimum d’effort à la manœuvre et se montre très généreux en sensations. Et quand on se retourne une dernière fois, à voir sa silhouette joliment soulignée de listons en bois massif, on se prend presque à penser qu’on quitte un ami.
FICHE TECHNIQUE
Longueur hors tout : 33 pi 11 po / 10,34 m
Longueur de la coque : 32 pi 8 po / 9,97 m
Largeur : 11 pi 3 po / 3,44 m
Tirant d’eau lest standard : 6 pi 5 po / 1,98 m
Déplacement lège : 11 773 lb / 5340 kg
Réservoir d’essence : 34 gal US / 130 litres
Réservoir d’eau : 54 gal US / 206 litres
Motorisation : 21 ch
Par Thierry Montoriol D’Entrayigues
*Essai publié dans le Spécial Essais 2015 de Québec Yachting.