Préparation de votre voilier pour l’hiver
La saison de navigation achève. Il faut déjà penser à l’hivernage du voilier. Les conditions extrêmes du Québec nous apportent des obligations particulières. Que faut-il faire pour protéger notre investissement?
Avant la sortie
Changez l’huile, pour ne pas exposer le moteur aux effets corrosifs des produits de combustion : un moteur chaud facilite l’opération.
Vidangez le réservoir septique. Rincez plusieurs fois. Ouvrez le regard et, à l’aide d’une spatule, grattez le résidu sédimenté au fond. Rincez de nouveau jusqu’à ce que l’eau évacuée reste claire. Cette opération désagréable empêchera les mauvaises odeurs de se propager à l’intérieur de l’habitacle durant l’hiver. Si vous n’avez pas accès à l’intérieur du réservoir, versez un litre de liquide pour la vaisselle et une grande quantité d’eau bouillante (une marmite pour cuire le maïs fait l’affaire), laissez reposer puis rincez plusieurs fois.
Faites le plein de carburant. Ajoutez un conditionneur d’essence ou un produit qui empêchera la formation de paraffine dans le diésel.
Débarquez les objets lourds, encombrants ou inutiles comme l’annexe, le canot de survie, le hors-bord de l’annexe, les batteries excédentaires, les livres de bibliothèques, les cartes et les guides nautiques, le surplus de nourriture. Il est toujours plus facile de manipuler ces objets à partir du ponton que depuis une échelle.
Enlevez les objets fragiles en tête de mât, tels feu tricolore, girouette, anémomètre. Profitez-en pour vérifier l’absence de gendarmes (câbles brisés) dans le haubanage, surtout au niveau du sertissage. Amenez les voiles : rappelez-vous que les voisins et les propriétaires de la marina détestent voir quelqu’un manipuler ses voiles dans la cour.
Le jour de la sortie
Enlevez la turbine du speedo et les autres appareils immergés pouvant être endommagés par les élingues ou par les supports de la remorque.
Faites chauffer le moteur et rendez-vous à l’endroit de sortie des bateaux. Avant d’arrêter le moteur, fermez la vanne d’entrée d’eau, retirez rapidement le boyau d’aspiration et plongez-le dans un bidon d’antigel. Fermez le moteur dès que l’antigel remplace l’eau de refroidissement (quelques litres suffisent). Vous vous assurez, ainsi, que le pot d’échappement ne fendra pas lors des grands froids. Si vous n’êtes pas en mesure de récupérer l’antigel, utilisez du polypropylène-glycol, moins dommageable pour l’environnement.
Cette opération doit être préparée d’avance. Elle est primordiale pour les moteurs refroidis directement à l’eau de mer (elle permet de faire circuler l’antigel dans le bloc-moteur). Pour les moteurs refroidis par un circuit interne, l’opération peut se faire avec un moteur froid, sur le terreplein. Si vous préférez, après avoir fermé la vanne d’entrée d’eau, vous pouvez verser l’antigel dans le filtreur d’eau brute. Cette procédure ne s’applique pas aux moteurs hors-bords. Consultez votre manuel du propriétaire pour connaitre les recommandations du fabricant.
Si nécessaire, faites nettoyer immédiatement la coque : c’est plus facile quand les algues sont encore mouillées.
Rendu à votre place, assurez-vous que le bateau repose bien sur la quille. Vérifiez que les supports ajustables ou les pattes s’appuient sur la coque : ils ne doivent pas exercer de pression au point de déformer la carène. La position de l’embarcation devrait permettre l’écoulement de l’eau du cockpit. Si vous n’êtes pas satisfaits, demandez des corrections aux préposés : après tout, c’est vous qui payez.
Sur le terreplein
La question que tous se posent : que devez-vous débarquer? Idéalement, tout. Ceci vous permet de nettoyer à fond et de découvrir les problèmes cachés. En pratique, tout dépend de la place d’entreposage disponible. Au minimum, vous débarquez tout ce qui gèle, tout ce qui rouille, tout ce qui peut être endommagé par le froid ou l’exposition aux intempéries, tout ce qui attire les voleurs dans la région.
Travaux extérieurs
Videz les coffres et rangez-y ce que vous laissez à bord : jerricanes et bouteilles de gaz (dans un coffre bien ventilé par le bas), amarres, défenses, câblots et ancres de secours, bouée-couronne et feu de retournement (sans les piles), coussins de cockpit, les cordages du gréement courant. Prenez le temps de remplacer les drisses par des messagers (filin bon marché) : durant sept mois, ces cordages souffrent beaucoup lorsqu’exposés inutilement aux intempéries et au soleil. Surtout, assurez-vous que les messagers ou les drisses ne claquent pas durant tout l’hiver, causant des dommages à l’anodisation du mât.
Retirez les toiles de dodger, de bimini et la bulle du cockpit. Avant de mettre l’ancre dans le baille de mouillage, graissez le guindeau. Démontez les panneaux solaires pour les protéger des intempéries et, surtout, des voleurs. Enlevez les instruments électroniques et le compas de route, car certains craignent le gel ; bouchez les trous avec un film plastique découpé dans un sac d’emballage épais et du ruban adhésif d’électricien. Huilez les boiseries non peintes ou vernies. Lubrifiez les poulies, manettes et autres objets métalliques. Dévissez de quelques tours les ridoirs du haubanage pour enlever du stress à la coque.
Doit-on recouvrir l’embarcation d’une bâche ou d’un plastique thermorétractable? Quitte à me faire des ennemis, je réponds : non ! À la rigueur, dans un endroit très malpropre ou si l’embarcation souffre d’infiltration d’eau, vous pouvez recouvrir d’une toile. Assurez-vous que l’air circule librement. Évitez, à tout prix, d’envelopper hermétiquement le bateau pour ne pas l’enfermer dans une serre : ce qui l’empêchera de sécher et créera un environnement propice au développement de moisissures. De plus, beaucoup de marinas n’offrent pas le service de recyclage des toiles de plastique.
Travaux intérieurs
Rapportez à la maison l’électronique, les jumelles, la literie, les vêtements, la nourriture, les ustensiles de cuisine (même l’inox rouille). Rapportez les batteries pour les entreposer dans un endroit sec et tempéré (au printemps, beaucoup de plaisanciers ont la désagréable surprise de devoir remplacer une batterie qui a gelé). Vous pouvez laisser la vaisselle. Notez que la lingerie, emballée très sèche dans des sacs étanches, passera l’hiver sans moisissures.
Terminez la préparation hivernale du moteur en remplaçant, tous les deux ans, l’antigel du refroidissement interne. Drainez le bloc-moteur, si vous n’avez pas fait circuler d’antigel, au moment de la sortie. Retirez le thermostat et remplissez le bloc-moteur d’antigel pour éviter l’oxydation à l’air libre. Enlevez la turbine de la pompe à eau. Huilez les parties non peintes. Donnez du mou aux courroies du moteur. Pour ne pas oublier de remettre en position la turbine et le thermostat, placez-les dans un petit sac de plastique que vous fixez à la courroie d’alternateur.
Videz les réservoirs d’eau, la glacière et la toilette. Remplissez-les, par l’extérieur, avec de l’alcool. Utilisez toutes les pompes pour vous assurer que toute la plomberie est protégée. Relevez la pompe de cale et versez un peu d’antigel dans la sentine de façon à la protéger. Nettoyez les dessous de planchers. Faites des retouches de peinture antirouille sur les poignées de vannes et les boulons.
Rapportez la pile, la grille et les plaques des ronds du poêle. Entreposez-les dans un endroit sec, après les avoir badigeonnées avec de l’huile végétale pour les empêcher de rouiller.
Enlevez les bouchons et les sondes pour permettre une ventilation par le bas. Fixez-les à la clé de démarrage afin que vous soyez sûr de ne pas oublier de les remettre en place, au printemps. Ne riez pas, j’ai vu un bateau à moteur couler parce que le propriétaire avait oublié de replacer son bouchon.
Pour assurer une bonne ventilation, il ne reste plus qu’à lever les planchers, ouvrir les armoires et les tiroirs, mettre les coussins sur la tranche. Entrez le fil électrique. Et voilà.
Conclusion
Un vieil adage dit : « Plus on en fait à l’automne, moins il en reste au printemps. »
Ah! Oui! N’oubliez pas les papiers-mouchoirs… pour essuyer la petite larme que vous aurez au coin de l’œil.
Par Pierre Lefebvre
Auteur, conférencier et professeur à l’École de navigation de la Société de sauvetage