La retraite à bord – Oui, mais pour combien d’années?
C’est une question légitime. Partir pour deux ans, dix ans ou vingt ans n’a pas les mêmes implications. Est-il possible de vivre une retraite à flot durant vingt ans ou plus? Oui, certainement, si on quitte assez jeune. J’ai quitté à 56 ans, en 1995, et je suis toujours à bord. Par contre, nous n’avons pas tous les mêmes ambitions, voire les mêmes goûts. Tous les jours, je croise des gens qui sont à bord au moins une bonne partie de l’année, et ce, depuis plus de quinze ans. D’autres sont repartis vivre à terre après deux ou trois ans. Pour vous aider à évaluer la durée probable de votre retraite à bord, voici quelques considérations importantes.
Trouvez un endroit qui vous enchante
- Un pays, une île qu’on contemple toujours avec ravissement. Aux Antilles, on a le choix. Mais partout au monde, on trouve de tels paradis.
- Une marina ou un mouillage qui offre une bonne protection contre les humeurs de la mer, ce n’est pas disponible dans tous les endroits, ça! Et une sécurité contre les vols et les attaques. Là encore, cela dépend beaucoup du pays et de sa culture. Il est utile de se renseigner.
- Marina ou mouillage? Une grande partie des retraités à bord préfèrent le mouillage. Aujourd’hui, il est courant d’être indépendant côté électricité. Avec suffisamment de panneaux solaires, on n’a plus besoin de se brancher à un quai. Même indépendance pour l’eau douce. On peut soit dessaler l’eau de mer, soit grâce à un réservoir souple déposé dans l’annexe, s’approvisionner une fois la semaine. (C’est ce que je fais.) Pourquoi le mouillage plutôt que la marina? C’est moins cher oui, mais aussi bien plus privé. À la marina, on est tout près des voisins, on ne peut pas nager et on reçoit souvent des visiteurs indésirables comme coquerelles et rats. Par contre, on n’a pas à utiliser et entretenir une annexe et son moteur.
Des gens agréables
- Difficile de vivre dans un endroit sans parler la langue. On peut apprendre certaines langues assez facilement, mais pas toutes. En général, pour nous, en plus du français et de l’anglais, les langues latines sont assez faciles et rapides à comprendre, à parler et à lire. L’espagnol représente une bonne partie des pays tropicaux de l’Amérique et il est assez rapide et facile de l’apprendre. Le portugais aussi, même si l’accent le rend au départ un peu plus difficile à comprendre.
- Étrangement, que les gens soient riches ou pauvres, cela aura peu d’importance.
Une culture générale qui nous convient
- On pourrait penser que cela a peu d’importance. Tout dépend de chacun. Pour ma part, c’est très important. Les peuples latins sont très semblables aux Québécois. Les Martiniquais itou. On aime taquiner ceux qu’on apprécie. On aime rire. On aime partager. On ne fait pas de chichi. On ne compte pas les tours.
Un coût de la vie acceptable
- Pour la plupart des retraités, le revenu est fixe et il n’encourage pas trop les folies. Donc, un endroit où les restrictions douanières ne sont pas trop exigeantes est plus qu’intéressant. Là où on peut vivre à peu près au même coût que chez nous sera un endroit à considérer. Il faut cependant tenir compte de tous les coûts et faire la somme pour une année.
Des soins de santé efficaces et disponibles à un coût raisonnable
- Avoir rapidement accès à un médecin est un point essentiel pour tous. Si on a un ou des problèmes de santé, il faudra avoir aussi l’assurance de pouvoir être traité rapidement. La disponibilité de soins hospitaliers en cas d’AVC, par exemple, est un atout précieux. (Oui, il existe des endroits où tout cela est disponible et sans d’abord débourser des milliers de dollars.)
- Des dentistes, des soins thérapeutiques, enfin tout ce qu’on a chez soi. Il est rassurant de les avoir au paradis de notre retraite à bord.
Des services variés pour soi et pour le bateau
- Le bateau, si on bouge moins, sera moins exigeant, mais on aura tout de même besoin de remplacer des pièces. Il a beaucoup d’imagination, le bateau, et ne sera jamais en manque de demandes…
- Les soins personnels, comme la coupe de cheveux ou, pour les dames, la coiffeuse. Bon, c’est tout simple. Mais dans certains endroits, on n’a guère d’expérience avec les cheveux plats. Eh oui, il faut trouver… Il faut pouvoir acheter des vêtements. Oh! sous les tropiques… très peu de vêtements!
De la bonne nourriture dans les marchés comme dans les restos
- Eh oui! je suis gourmand! Et si vous l’êtes, ce qui est tout de même assez probable si vous êtes un Québécois, des supermarchés bien garnis, des marchés où trouver fruits et légumes frais, poissons et fruits de mer… oui, c’est intéressant!
- De temps à autre, un petit repos pour le cuistot du bord et une visite au resto, oui c’est indiqué. Alors, il y a des endroits où vous allez saliver durant les attentes entre les sorties. La Martinique, évidemment, ne cède aucune place. Mais Grenade et Trinidad ainsi que bien d’autres ont des spécialités à rendre la diète périlleuse.
Sécurité à terre comme sur le bateau
- Les Caraïbes ont un problème majeur avec l’insécurité. Un taux d’homicide à faire frémir, un taux de criminalité à faire réfléchir. Pas trop intéressant d’y vivre durant des mois. Alors, il faut se renseigner et bien choisir. La Martinique, par exemple, a un taux situé entre celui du Québec et celui des É.-U. Le Venezuela a le pire taux de la planète en ce moment. Ne pensez même pas vous en approcher.
Accès à des télécommunications efficaces et à bon prix
- Ici, je pense au téléphone cellulaire et à l’Internet. De Trinidad, par exemple, je peux appeler mon fils à Montréal à moins cher que depuis Montréal. Oui, je sais c’est inimaginable. Mais de la Martinique (oh!), il faut pratiquement hypothéquer le bateau pour parler 20 minutes!
- Pour ce qui est de l’Internet, généralement on s’y branche via un wifi et une antenne avec ampli intégré. Ici, à la Martinique, c’est cher et peu fiable. Pourquoi? Trop de monde et un Internet trop lent pour les besoins. Évidemment, on peut aussi utiliser le téléphone Internet.
Absence d’ouragans ou protection adéquate
- Plus on est au sud des Caraïbes, moins on a de risque d’ouragans. Au Venezuela, par exemple, il n’y a aucun risque; à Trinidad, très très peu. (Les risques sont du côté sécurité!) Donc, moins de risques à Grenade qu’à Saint-Martin. Il existe aussi des chantiers et des marinas qui offrent de très grandes protections. Il y a des mouillages dans ce qu’on nomme des trous à ouragans où la protection est très bonne.
Climat et température confortables
- Le climat et les écarts de température influencent notre confort, mais aussi le coût de la vie. Sous les tropiques, sur une île qui n’a pas la taille d’un continent, on peut miser sur des maximums de 32 oC ou 33 oC et des minimums de 23 oC ou 24 oC durant toute l’année.
- J’ai croisé des retraités sur leur voilier ici, en décembre dernier. Quand je leur ai dit que j’étais à la Martinique depuis plus d’un an, leur réplique instinctive a été de me dire que ce devait être affreusement chaud en été. Quand je leur ai expliqué que les maximums n’étaient que de 2 ou 3 degrés de plus, ils ne m’ont pas cru. Et je les comprends. Les mois les plus chauds ici sont septembre et octobre parce que souvent l’alizé est en vacances. L’alizé est ce vent qui souffle de l’Est, presque toujours présent, et conserve les températures entre ces limites très humaines. L’île baigne dans une mer qui est toute l’année à 27 oC ou 28 o La température varie d’un degré d’une année à l’autre. Quand ça souffle à 20 nœuds et plus, la surface de la mer s’évapore et refroidit l’air. Voilà pourquoi quand l’alizé relaxe, il fait plus chaud d’un degré ou même deux.
- La longueur des jours a aussi une grande influence sur la température partout sur Terre. À la Martinique, par exemple, le jour le plus long est d’environ 13 heures tandis que le plus court sera de 11 heures et 15 minutes. Donc, pas une très grande différence. De là, des températures qui changent peu.
Transport par avion facile, à prix amical
- C’est une considération assez importante. Quand on doit ou on désire revenir au pays pour toute considération, il est rassurant de pouvoir prendre un seul avion et débarquer près de chez soi. Une escale ou deux ou plus rendent le voyage plus pénible. L’accès à des vols pratiques à prix raisonnable est donc un critère à considérer.
Beaucoup de critères que chacun évaluera selon ses priorités.
Par Michel Brassard
*Cet article a été publié dans le magazine Printemps 2017 de Québec Yachting.