Comment naviguer en sécurité à la retraite?
En tout premier nous vient à l’esprit le choix du bateau à moins qu’on ait déjà un bateau capable de parcourir les mers et qu’on soit sûr qu’il soit le bon.
Quel type de bateau choisir?
Voilier? Bateau moteur? Monocoque ou multicoque? Longueur minimale et longueur maximale? Pensez-vous naviguer seul ou en équipage? Que vous soyez deux ou seul, les mêmes considérations devraient s’appliquer. À deux, il se peut fort bien que l’autre soit incapable de manœuvrer. Il importe alors de se sentir à l’aise de naviguer solo en sécurité jusqu’à la prochaine escale. Tout de suite, on peut dire qu’il est plus facile de naviguer sur un bateau moteur qu’un voilier. Un voilier est habituellement motorisé et peut donc naviguer lui aussi à moteur. Par contre, les réserves de carburant ne sont habituellement pas suffisantes pour une longue traversée. Voilà pourquoi on voit souvent tous ces jerrycans de carburant sur les passavants, bien arrimés aux filières. Le voilier sera moins confortable et souvent moins rapide à moteur. Il est possible alors de naviguer sous voilure réduite avec moteur, ce qui peut être plus facile pour une personne qui doit naviguer en solitaire sans en avoir l’habitude. Il faut s’assurer alors de ne pas dépasser la gîte maximale qu’accepte le moteur, mais cela n’est pas généralement un problème.
Donc, il faut un bateau moteur (avec deux moteurs) ou un voilier avec moteur et suffisamment de carburant pour l’étape de navigation. Certains bateaux moteurs peuvent aussi fonctionner avec une voile comme le Seahorse Diesel Duck 382 de 41 pieds (12,5 m) de longueur.
Le choix d’un monocoque ou d’un multicoque s’applique aux bateaux moteurs comme aux voiliers. Pour le monocoque, on a aussi le choix entre un quillard ou un dériveur intégral. Le multicoque moteur sera indéniablement plus confortable au mouillage. Côté stabilité en traversée, le monocoque risque moins de chavirer. Et cela va aussi pour les voiliers quillards. Un voilier dériveur demeurera plus souvent chaviré qu’un quillard. Les règles concernant les voiliers dériveurs ont dû être revues par la France récemment à la suite du chavirage et du décès d’un couple au large de la Colombie. Les dériveurs offrent l’avantage du plus faible tirant d’eau, presque toujours moindre que celui des catamarans de même taille. Ils sont souvent plus lourds et plus lents sous voile.
La vitesse a son importance, côté sécurité. « A fast passage is a safe passage », vieux dicton toujours d’actualité. Plus la traversée prend de temps, plus la météo risque de se gâter, mais il y a aussi qu’avec une plus grande vitesse, on peut éviter le mauvais temps. Alors, oui, une traversée plus rapide est souvent plus sécuritaire.
Quelle taille minimale de bateau?
Pour un voilier monocoque ou multicoque, il existe un consensus que 12 mètres (40 pi) soit une taille minimale capable d’une vitesse coque suffisante avec des mouvements pas trop violents en mer. Assez de volume pour contenir le nécessaire. Il est certain que des traversées se font en course avec des 6 mètres (20 pi), mais il s’agit plus d’exploit que de raisonnable. Évidemment, ce n’est qu’une dimension approximative. Bien des gens traversent avec de plus petits voiliers. Avec un bateau moteur, la quantité de carburant pour une traversée de l’Atlantique sera considérable. Elle prendra donc un volume important et un poids qui nécessitent une coque tout de même assez volumineuse. À 12 mètres (40 pi), on trouvera difficilement un bateau moteur capable d’une telle traversée.
Quelle taille maximale de bateau?
Pour un voilier en équipage réduit, voire en solitaire, il semble que 18 mètres (60 pi) soit un maximum gérable par une ou deux personnes. Évidemment, les winchs seront assistés et plus sujets à des pannes. Mais sur une telle taille de voilier, on aura de multiples façons de hisser ou border les voiles. Tout de même plus grand que 18 mètres (59 pi) frôle l’exploit.
Un bateau moteur demandera aussi un certain entretien durant une longue traversée. La taille atteint donc des limites pratiques.
L’équipement à bord
Évidemment, le bateau sera équipé d’un radeau de survie ou du moins d’une embarcation qui pourrait nous servir en cas de perte du bateau. Ne pas oublier que l’incendie est la plus importante menace. Alors, même si votre bateau est réputé insubmersible, mieux vaut une embarcation de survie. Et mieux vaut une embarcation de survie dynamique (c’est-à-dire avec laquelle on peut naviguer) qu’une embarcation qui peut simplement dériver durant des mois. Il faut penser qu’on peut se retrouver en situation de survie à la suite d’une collision avec un des nombreux conteneurs qui dérivent en surface mais qui ne sont presque pas visibles. Un bris majeur ou un incendie peut forcer l’équipage à abandonner le bateau. Il ne s’agit pas nécessairement d’un ouragan.
Aujourd’hui, les prévisions météo sont assez fiables pour nous prévenir de gros mauvais temps. À condition d’avoir à bord le matériel de télécommunication nécessaire. La connaissance météo est un élément essentiel de notre sécurité. La VHF suffit quand nous sommes près de terre. Au large, il faut soit une BLU, soit un téléphone satellitaire, ou les deux.
L’eau potable est une denrée essentielle. Parce qu’on a un dessalinisateur, on mesquine un peu sur les réserves. Et si l’appareil cessait de bien fonctionner, il faudra tout de même une réserve suffisante pour la survie.
Un choix de récepteurs ou d’émetteurs-récepteurs AIS est disponible et cet important élément de prévention de collision devrait être considéré, surtout en équipage réduit.
La nuit surtout, le long de la côte des États-Unis, on croise fréquemment des trains de barges remorquées. La longueur de ces trains de barges est impressionnante de jour. La nuit, elle est presque invisible. Le radar devient alors presque une nécessité. La nuit, le radar nous permet de voir arriver les grains. On peut donc ariser avant que tout se déchaîne et passer le grain sans soucis. C’est plus qu’un gadget et je crois qu’on devrait considérer assez sérieusement l’installation d’un radar.
La production d’électricité est importante pour le fonctionnement de l’équipement. Une source autre que le moteur est plus qu’un luxe. Les panneaux solaires sont d’un prix abordable maintenant et plus fiables que toute autre source. Quand l’alternateur ou le groupe électrogène cesse de bien travailler, il est réconfortant de penser qu’on pourra tout de même se servir du matériel électronique. Des panneaux solaires bien installés ne sont plus un luxe. L’éolienne aussi fournit des électrons, mais comme il fait jour tous les jours, même quand il ne vente pas, je crois qu’en premier j’installerais des panneaux PV (photovoltaïques).
Ayez une ligne de vie, des harnais et des longes (attaches) doubles, de façon à pouvoir crocher la seconde avant de décrocher la première. Si vous êtes seul, assurez-vous que la longe vous retient assez court pour être capable de remonter à bord. Si elle vous laisse traîner à l’eau, il peut être difficile de remonter à bord quand vous êtes seul. La ligne de vie devrait être de sangle et non de cordage. La sangle à plat sur le passavant risque moins de vous enfarger qu’un cordage rond. Même dans le cockpit, on devrait porter le harnais et crocher une longe à une ligne de vie à l’intérieur du cockpit. Ainsi, on a les deux mains libres et on ne risque pas de perdre l’équilibre et se faire emporter par une lame.
Évitez de naviguer au vent d’une côte s’il y a la moindre probabilité de mauvais temps. Ayez trois ancres à bord et suffisamment de chaînes. Si vous naviguez seul (ou pour éviter les sempiternelles discussions de couple), une télécommande du guindeau qu’on peut actionner de la barre peut être plus qu’utile. Faites vérifier le gréement dormant tous les ans. Ayez une balise SARSAT. Évidemment, il va de soi qu’il faut avoir à bord tout le matériel requis par Transports Canada (gilets de sauvetage, fusée, etc.).
Non, naviguer n’est pas si dangereux et des milliers de gens comme nous le font sans problème tous les ans. Mais il est réconfortant, par mauvais temps surtout, de savoir qu’on a en plus tout ce qui peut devenir nécessaire.
Bons vents!
Par Michel Brassard
*Cet article a été publié dans le magazine Hiver 2017 de Québec Yachting.