Introduction au système d’identification automatique (AIS) – Comment cela fonctionne-t-il?
L’AIS (Automatic Identification System) est un système d’identification automatique qui va rendre votre navigation en mer plus agréable, croyez-moi! Avoir un AIS à bord, c’est avant tout un élément de sécurité de plus. À l’aide d’un AIS, on voit venir et on se fait voir des autres navires de loin. C’est un des outils par excellence afin de prévenir les abordages. Il s’agit, à mon avis, de la plus précieuse avancée technologique sur un navire depuis l’avènement du radar. Mentionnons que ce type d’appareil, qui existe obligatoirement sur certains navires commerciaux depuis 2007, devient de plus en plus populaire auprès des navigateurs et plaisanciers s’aventurant en mer. On retrouve de plus en plus de ces équipements sur les embarcations naviguant sur les Grands Lacs, incluant le lac Champlain, ainsi que celles naviguant sur le majestueux fleuve Saint-Laurent où se faire voir devient de plus en plus nécessaire. Le phénomène AIS est mondial. Plus personne n’entre dans le port de Singapour sans AIS en fonction : c’est obligatoire.
Un système AIS se compose de deux éléments importants : un récepteur GPS et un transmetteur VHF basse puissance à deux canaux, qui a comme particularité d’émettre automatiquement une émission très rapide de données aux autres navires équipés croisant votre route. Un navire qui reçoit un signal AIS est informé immédiatement des paramètres de navigation de tous les autres navires. Ces paramètres s’affichent par une icône triangulaire sur son lecteur de cartes, à l’emplacement précis où se trouvent les navires équipés à la dernière transmission.
En cliquant sur l’icône, on retrouve alors diverses données divisées en colonnes, soit les paramètres du navire ciblé : le nom du navire, son numéro d’ISMM, son cap, sa vitesse ainsi que la route et la vitesse à prendre pour le rejoindre par rapport à vous et, selon la classe d’AIS, d’autres informations de nature optionnelle. Les principaux paramètres qu’on y retrouve sont le point le plus proche de votre croisement calculé en pieds (CPA) ainsi qu’un décompte en minutes pour l’atteinte de ce point de croisement (TCPA) à la condition que les deux navires gardent ce cap et cette vitesse. Ces deux derniers paramètres en perpétuel changement sont calculés par votre propre AIS et ne sont pas transmis ou reçus par la radio. Les possibilités d’abordage vous apparaissent alors clairement. Une alarme de proximité automatique peut aussi être intégrée selon les appareils ou lecteurs de cartes.
Un AIS peut « voir » là où un radar ne le peut pas, c’est-à-dire lorsque la mer est démontée. Un radar nous montre souvent les crêtes des vagues. Afin de pouvoir réduire celles-ci, on a recours au mode « SEA CLUSTER » qui augmente l’angle de radiation, ce qui a pour effet de faire disparaître ces crêtes, mais aussi les petits objets (navires) en vous rendant « aveugle » à certaines distances. C’est aussi le cas si vous naviguez sur une rivière ou un canal où l’on ne peut voir venir les navires venant de l’autre côté des méandres ou d’une île. En voyant apparaître, souvent longtemps d’avance, le nom du navire ayant une trajectoire dangereuse avec la vôtre, il est d’autant plus aisé de le contacter par radio afin de l’aviser de vos intentions et d’entendre les siennes. N’oubliez pas qu’un navire à manœuvrabilité réduite, tel un remorqueur tirant ou poussant une barge, n’aurait souvent pas d’autre choix que d’entrer en collision avec votre navire à la dernière seconde. Vous ne recherchez sûrement pas cette alternative… Essayez l’AIS dans le port de New York, vous m’en reparlerez par la suite! Le stress tombe de moitié!
On retrouve deux types d’AIS sur le marché. Ils sont offerts en deux versions intégrant un afficheur ou pas, les deux se branchant au lecteur de cartes de la même façon.
Les classes d’appareils
Les appareils de classe A
Ils sont obligatoires depuis 2007 sur les navires de plus de 300 tonnes, mais depuis fin décembre 2014, le président Obama a fait adopter une nouvelle règle « USCG AIS Rules » qui oblige la plupart des navires commerciaux, à l’exception des traversiers, de posséder un AIS de classe A à bord. Cette règle a touché plus de 40 000 navires aux É.-U., incluant les navires de pêche.
Un AIS de classe A transmet ses mises à jour plus souvent lorsque la vitesse du navire augmente, toutes les 10 secondes pour une vitesse de 3 nœuds jusqu’à 2 secondes au-dessus de 23 nœuds. Ces mises à jour plus rapides sont nécessaires en fonction du niveau de manœuvrabilité du navire ainsi que de sa vitesse. Ces appareils, qui sont dotés d’un transmetteur puissant de 12 watts, sont aussi assez coûteux (3 500 $) et de qualité robuste. Ils sont conçus pour une fiabilité extrême.
Les informations primaires sont déterminées puisées à même l’AIS et ne peuvent être modifiées par l’équipage, soit :
- La vitesse et le cap du navire sur le fond
- Le numéro ISMM : identifiant maritime unique du navire (en anglais MMSI)
- La vitesse de changement de cap (taux instantané de giration)
- Le positionnement : latitude et longitude
- L’heure UTC
Certains paramètres non critiques sont transmis toutes les 6 minutes, soit :
- Le nom du navire
- Les dimensions du navire
- L’emplacement de l’antenne AIS sur le navire
Certains paramètres non critiques demandent des intégrations manuelles de l’équipage et sont transmis toutes les 6 minutes, soit :
- Les statuts de navigation, par exemple : amarré, au mouillage, faisant route au moteur, à manœuvrabilité restreinte, échoué, en opération de pêche, handicapé par son tirant d’eau, faisant route à la voile (cette information n’est pas toujours très fiable, car renseignée par le chef de quart qui oublie parfois de changer de statut; il pourra vous arriver de croiser de nombreux exemples de navires « amarrés » au milieu de l’océan et faisant route à 12 nœuds).
- Le type de bâtiment ou de cargaison (entrée manuelle chaque fois)
- La précision du positionnement, GPS ou DGPS
- Le tirant d’eau (entrée manuelle chaque fois)
- La destination (entrée manuelle chaque fois)
- Le cap vrai (information venant du réseau NMEA)
- L’ETA : estimation de l’heure d’arrivée à destination (entrée manuelle chaque fois)
Certains navires de commerce possèdent deux types d’AIS distincts à bord, le deuxième transmettant et recevant les mêmes données par le truchement de satellites en orbite et permettant de suivre l’évolution de la navigation à distance. Les armateurs en sont friands.
Les appareils de classe B
Les transmetteurs de classe B s’adressent à des embarcations récréatives de moins de 300 tonnes, non obligatoirement pourvues (la plupart des navigateurs et plaisanciers). Ils sont beaucoup moins puissants que ceux de la classe A, soit 2 watts. Ils sont aussi beaucoup moins chers. On y retrouve aussi des versions avec affichage intégré. L’antenne du GPS est parfois intégrée dans le boîtier et d’autres comportent une antenne passive externe. Les appareils de classe B transmettent leur cap et leur vitesse toutes les 30 secondes, à la condition que la vitesse du navire soit plus rapide que 1 nœud. Les informations transmises sont les mêmes que les appareils de classe A, sauf qu’aucune entrée manuelle n’est possible. Les cases demeurent en blanc dans le menu de programmation.
Récepteur AIS sur le navire
Il est également envisageable de posséder seulement un récepteur AIS. Certaines radios en intègrent un. Dans ce cas précis, vous recevez les informations des autres navires, mais ces derniers ne peuvent aucunement recevoir les vôtres. Ce n’est qu’un récepteur que vous possédez. IMPORTANT : votre radio VHF ne transmet pas les signaux AIS. Il s’agit d’un module externe à la radio.
Réception des signaux AIS sur un appareil Android ou iOS
On peut aussi recevoir les signaux AIS sur un téléphone intelligent à la condition qu’il y ait des récepteurs AIS terrestres attitrés sur votre plan d’eau. Plusieurs entreprises comme Vesselfinder et Marinetraffic offrent ces services gratuitement aux plaisanciers et fournissent des récepteurs aux diverses entreprises de services maritimes près des plans d’eau. En regardant ces sites, vous serez impressionné par ce que vous pourrez voir partout dans le monde! Encore une fois, vous ne faites que recevoir.
La portée d’un signal AIS
Installation typique en haut d’un mât. Si l’antenne est située sur le rouf ou sur un mât radar, la portée diminue jusqu’à 50 % : ce n’est pas négligeable. Plus haut = émission et réception améliorées.
Vous aurez compris qu’en classe B, vous recevez de loin, mais émettez de près. Toutefois, c’est assez loin pour éviter tout abordage en mer.
Installer un AIS sur votre embarcation
Chaque installation AIS est unique puisque le numéro ISMM appartient à seulement un navire. Ce numéro doit être demandé ici, auprès d’Industrie Canada qui offre ce service gratuitement. Il s’agit du même numéro d’identifiant qui est utilisé pour l’ASN (appel sélectif numérique) ou DSC (en anglais) de votre radio VHF et de votre balise de détresse. Ce numéro identifie votre navire ainsi que ses composantes de sécurité et spécificités.
Exemple d’informations :
Attention, en programmant un AIS, le numéro de l’ISMM ne peut être programmé qu’une seule fois, cela afin d’éviter les risques possibles de brouillage! En cas d’erreur en entrant le numéro de 9 chiffres, l’appareil devra être retourné au fabricant ou à un dépôt de service autorisé pour être remis à niveau.
L’AIS nécessite une antenne VHF pour fonctionner correctement. Il est conseillé qu’il puisse avoir sa propre antenne puisque la fréquence radio utilisée est légèrement à l’extérieur de la bande marine conventionnelle. Cependant, pour des raisons évidentes de simplicité, on installe un séparateur d’antenne qui permet d’utiliser la même antenne pour l’AIS et la VHF sans qu’ils s’interfèrent entre eux. La radio VHF a toujours la priorité en cas d’appels d’urgence. Le séparateur est habituellement alimenté en 12 volts et permet parfois de fournir du signal de meilleure qualité pour la radio FM du bateau.
Il peut être intéressant d’avoir une antenne VHF de réserve à bord pour votre voyage si vous devez démâter (dans le cas d’un voilier) puisque vous perdrez l’usage de votre AIS et de la VHF durant cette période. Dans ce cas, on branche l’antenne VHF d’urgence ou de réserve dans le séparateur d’antenne automatique à la place de l’antenne conventionnelle.
NE JAMAIS installer un «T » sur le câble d’antenne afin de relier un AIS et la radio VHF, car vous allez endommager inévitablement les deux unités! Aussi, ne jamais transmettre avec une VHF ou laisser un AIS en marche sans avoir, au préalable, une antenne VHF fonctionnelle et branchée!
L’AIS se branche sur le réseau NMEA du navire. Ce réseau interconnecte tous les équipements marins entre eux, soit le lecteur de cartes, le radar, le pilote automatique, les équipements de navigation, VENT, PROFONDIMÈTRE et VITESSE, compas et radio VHF. Les bons câbles de raccord doivent être installés. Il existe plusieurs standards selon les fabricants.
- NMEA 0183, qui fonctionne en 4880 bauds et en haute vitesse à 38 400.
- NMEA 2000, qui fonctionne en 250 000 bauds, mais est limité à 50 appareils.
- Il existe des convertisseurs pour adapter les deux réseaux si requis. Votre installateur aura ces câbles en main.
Un nouveau type fait graduellement son apparition sur le marché. Il s’agit d’un « OPEN SOURCE » « SIGNAL K ». On voit d’ailleurs, cette année, de nouveaux AIS et plusieurs types d’équipement de navigation utilisant ce nouveau protocole très polyvalent.
Je prédis que ce dernier risque de devenir le prochain standard des prochaines années.
Comme mentionné précédemment, selon le type d’appareils, certains possèdent une antenne GPS intégrée et d’autres nécessitent l’installation d’une antenne à l’extérieur ou peut-être dans la cabine si le navire est construit en fibre de verre.
Certains appareils permettent aussi de recevoir les signaux AIS sur une tablette ou un téléphone intelligent par le truchement d’un Wi-Fi (802.11). Ces appareils incorporent un routeur Wi-Fi en réseau fermé dans leur composante. Votre tablette devra être incluse dans un boîtier étanche. Pour ma part, j’aime bien avoir une tablette en réserve et non à titre primaire.
En terminant, n’oubliez pas qu’un AIS doit être programmé, tout comme la VHF, par une personne expérimentée seulement.
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Site internet de ComNav : www.comnavmarine.com
Formulaire de demande d’ISMM à Industrie Canada :
www.ic.gc.ca/eic/site/smt-gst.nsf/fra/sf08138.html
AIS en ligne : www.vesselfinder.com et www.marinetraffic.com
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L’auteur de cet article, Gérald Voghel, est un adepte de la voile depuis 25 années, technicien en électronique certifié en radiocommunication et radioamateur. Il est l’auteur de plusieurs groupes sur Facebook. On peut le joindre sur la même plateforme ou sur son site Internet : www.navi-services.com/services-marins.html.
Vous pourrez lire la suite de cet article dans le magazine Printemps 2017 de Québec Yachting.
*Cet article a été publié dans le magazine Hiver 2017 de Québec Yachting.
À lire en lien avec cet article : Introduction avancée au système d’identification automatique (AIS)