Canso ou Troy : Choisir la meilleure route entre le Québec et le soleil
Rivière-au-Renard, Gaspé.
Pour les Québécois qui investissent temps et argent dans un bateau qui n’est à l’eau que pour la saison estivale, le rêve de naviguer au soleil l’hiver est très attirant. Nous y pensons secrètement dès l’achat d’un voilier, nous nous y préparons pendant des années, puis, quand nous nous sentons prêt, nous devons choisir l’un des deux chemins qui mènent à New-York, avant de longer la côte est américaine vers le sud.
L’une des routes passe par le majestueux fleuve Saint-Laurent, les Maritimes, puis la Nouvelle-Angleterre, l’autre par le lac Champlain, les canaux de l’État de New York, puis le fleuve Hudson. Le choix devrait se faire en considérant les variables suivantes : les caractéristiques de votre bateau et de votre équipage, leur potentiel de vitesse sur l’eau, votre préférence pour la navigation à voile ou à moteur et la période de temps consacrée au voyage. Voici quelques informations pratiques afin de tirer le plus de plaisir possible de ce voyage tant attendu.
Tout d’abord, vous devez être conscient que vous ferez face à deux routes très différentes : l’une est plus longue et se fait en grande partie à la voile. Elle est assez profonde et large pour les plus gros des cargos, mais elle vous expose à de grands plans d’eau froide soumis au va-et-vient des marées. L’autre est beaucoup plus courte, mais elle impose de passer sous des ponts et par de multiples canaux peu profonds, incluant des dizaines d’écluses parfois centenaires. Commençons par discuter des distances, en prenant Sorel comme point de départ dans les deux cas.
Havre Aubert, Îles-de-la-Madeleine.
Distances approximatives par les Maritimes
De Sorel, les 100 milles nautiques qui vous séparent de Québec sont faciles à descendre : le courant est toujours portant jusqu’à Trois-Rivières. L’impact des marées commence à se faire sentir dès la région de Portneuf, à partir d’où vous commencerez à voir apparaître du courant montant de plus en plus important.
Île d’Entrée, Îles-de-la-Madeleine.
Les 150 milles nautiques qui séparent Québec de Rimouski devront se naviguer au rythme des marées, car le courant montant y est assez fort pour justifier de s’arrêter et d’attendre le baissant. En aval de Rimouski, le courant montant est de moins en moins fort, car il coule souvent le long de la Côte-Nord ou dans le fond du chenal laurentien. C’est le courant de Gaspé qui s’installe en surface le long de la côte du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, au grand plaisir des marins qui quittent l’estuaire vers le large.
Lac Bras D’or, île du Cap-Breton, Nouvelle-Écosse.
200 milles nautiques plus loin, vous serez dans le golfe du Saint-Laurent, au large du parc Forillon à l’entrée de la baie de Gaspé. Un autre 200 milles nautiques plus loin, vous serez en Nouvelle-Écosse, et si vous choisissez de passer par le détroit de Canso, donc au sud de l’île du Cap Breton, il ne vous restera plus que 300 milles nautiques avant d’avoir contourné cette province canadienne à la riche histoire maritime et aux paysages côtiers inoubliables.
Halifax.
C’est par la suite que vous quitterez les eaux canadiennes pour traverser la baie de Fundy, un autre endroit où ce sont les puissants courants de marée qui dictent le rythme de la navigation. Si vous choisissez de garder votre hélice et votre gouvernail loin des bouées de pêcheurs qui abondent dans le golfe du Maine, vous serez dans la région de Boston 250 milles nautiques plus tard.
En prenant le canal de Cape Cod comme raccourci, vous éviterez les eaux dangereuses qui entourent cette péninsule et l’île de Nantucket et vous n’aurez que 50 milles nautiques à faire avant de vous retrouver dans les eaux protégées de Buzzard Bay. Ajoutez-y 75 milles nautiques et vous serez dans le Long Island Sound, à 100 milles nautiques de New York; le tout pour un total de près de 1500 milles nautiques de navigation entre Sorel et la ville de New York. Si on ajoute une virée au lac Bras d’Or ou dans le golfe du Maine, ou encore l’exploration de la Nouvelle-Angleterre, ce total grimpe facilement à 2000 milles nautiques.
Ingonish en Nouvelle-Écosse.
Distances approximatives par le lac Champlain
Par l’intérieur des terres, il faudra moins de 70 milles nautiques pour parcourir la rivière Richelieu et une centaine de milles nautiques de navigation sur le lac Champlain. De Whitehall, vous partirez pour environ 60 milles nautiques de navigation dans les canaux de l’État de New-York avant de rejoindre le fleuve Hudson, à Troy. Il ne restera plus que 135 milles nautiques pour descendre le fleuve Hudson jusqu’à la ville de New York. Ainsi, moins de 400 milles nautiques séparent Sorel de New-York, un parcours de quatre à cinq fois moins long qu’en passant par les Provinces maritimes.
Il faut toutefois remettre ce chiffre en perspective, car les 1500 milles nautiques de la boucle Nord-Est équivalent environ au reste du chemin à parcourir vers la Floride ou les Bahamas. Dans un cycle d’aller-retour vers le sud pour un bateau partant du Québec, la distance minimale avoisine les 4000 milles nautiques aller-retour en passant par le fleuve Hudson les deux fois. Cette distance dépassera à peine 5000 milles nautiques si vous choisissez de faire l’aller par le fleuve Saint-Laurent et le retour par le lac Champlain, ce qui ne représente qu’un ajout d’environ 25 % à la distance totale parcourue. L’augmentation des coûts est encore plus marginale, car vous passerez la majorité de ce temps en eaux canadiennes et dans des provinces au coût de la vie plus abordable, surtout pour les amateurs de fruits de mer…
Miami.
En sens horaire
Les deux routes parcourent des paysages magnifiques et font escale dans des lieux très variés et colorés. Si vous avez l’intention de visiter les deux plans d’eau, il est naturel de faire la portion du fleuve Saint-Laurent pendant l’été avec les courants portants en quittant le Québec, pour être déjà en Nouvelle-Angleterre dès le début de l’automne. Quant aux canaux de l’État de New York, ils sont non seulement un raccourci, mais ils peuvent aussi vous éviter de revenir contre le courant du fleuve gonflé par la crue printanière après votre hiver dans le Sud. Il est à noter que les écluses entre le fleuve Hudson et le lac Champlain sont opérationnelles de la mi-mai à la mi-octobre chaque année. Cependant, la météo force parfois ces dates à changer sans préavis, alors n’oubliez pas de vous donner une marge de manœuvre dans votre planification d’éclusage.
Rockport.
Choisir la meilleure route pour son équipage et son bateau
La décision dépend souvent de facteurs humains :
- le temps disponible;
- le nombre d’équipiers;
- l’expérience de l’équipage.
Si vous avez l’été devant vous pour faire de la voile avant de partir, que vous êtes nombreux à vouloir participer au voyage, expérimentés et en symbiose depuis longtemps avec votre bateau, il serait fou de rater le fleuve Saint-Laurent.
À l’autre extrême, si vous devez jongler avec des semaines de vacances limitées et des dates fixes où vous devez être de retour au Québec ou que vous êtes peu nombreux ou moins expérimentés et à bord d’une embarcation lente à la voile ou mal adaptée à la navigation hauturière, il vaut mieux vous en tenir à la route la plus courte et la mieux protégée.
Floride.
Finalement, les limitations physiques du bateau (dans mon cas le tirant d’eau) ne laissent parfois qu’un seul choix; la profonde voie maritime du Saint-Laurent. Si tel est votre cas et que vous caressez le rêve d’amener votre bateau dans le Sud, optez pour de la formation théorique et pratique, ainsi que pour de la navigation en équipage ou en flottille pour apprivoiser le Saint-Laurent avant de vous lancer sur cette route magnifique, mais exigeante.
Plusieurs livres, sites web, et groupes sur Facebook permettent de se documenter au sujet de ces deux routes. Nourrissez-vous de cette information pour mieux planifier votre voyage vers une destination de voile ensoleillée. Avec la bonne préparation, la majorité des bateaux de plaisance et leurs équipages peuvent se rendre en toute sécurité dans les tropiques. Soyez donc confiants et optimistes afin de profiter du plaisir qui commence dès les premiers préparatifs pour un voyage lointain.
Livres à consulter
Sites internet à consulter
Environnement Canada; Méteo Marine
Catalogue des cartes des services hydrographiques
Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
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Sites officiels des canaux au Canada et aux États-Unis
Richelieu :
Canal de Chambly :
9 écluses | 12 milles nautiques | Profondeur: 6 pieds 6 pouces | Hauteur libre : 29 pieds
https://www.pc.gc.ca/fr/lhn-nhs/qc/chambly/activ/navigation
Canal de Saint-Ours :
1 écluse | Profondeur : 12 pieds | Hauteur libre : 29 pieds
https://www.pc.gc.ca/fr/lhn-nhs/qc/saintours/activ/navigation
Hudson :
Champlain Canal System :
12 + 1 écluses | 55 milles nautiques |Profondeur: 8 pieds | Hauteur Libre: 17 pieds
http://www.canals.ny.gov/wwwapps/navinfo/navinfo.aspx?waterway=champlain
Par Gaël Simon, formateur privé et consultant pour Stratégie Nautique ainsi que capitaine du voilier GravlaX.
Photos : Pierre-Olivier Forest-Hivon, Stratégie Nautique et Le Voilier Orange.
*Cet article a été publié dans le magazine Hiver 2020 de Québec Yachting. Abonnez-vous dès maintenant! C’est gratuit!
