Les niveaux d’eau – une nouvelle réalité?
On assiste à une nouvelle réalité depuis quelques années concernant les niveaux d’eau. Les modifications humaines et les changements climatiques ont toujours mené à des ajustements dans la gestion des niveaux d’eau afin de représenter le plus possible l’écoulement naturel.
Cet été, les niveaux d’eau entre les lacs des Deux Montagnes et Saint-Pierre donneront des maux de tête à tous les utilisateurs du fleuve Saint-Laurent (marins commerciaux et de plaisance, riverains, etc.). Un bel été n’a pas la même définition qu’on soit agriculteur ou navigateur, mais une sécheresse affectera les deux domaines. En mai, la région de Montréal n’a reçu que 10 mm de pluie alors que la normale est de 84 mm. Il s’agit du mois de mai le plus sec de son histoire.
Selon MétéoMédia, le Québec a connu « une séquence de temps anormalement sec. Cela s’explique en partie par le fait que la configuration atmosphérique protégeait la province des systèmes dépressionnaires. Le fameux blocage du Groenland a persisté au cours d’une période prolongée, notamment en hiver et au printemps, empêchant les précipitations de franchir la frontière. »
Les plaisanciers devront demeurer vigilants en tout temps au cours de la saison nautique pour éviter les roches et débris habituellement submergés. N’hésitez pas à ralentir pour limiter les vagues et mieux voir les possibles obstacles. Plusieurs échouages et accidents sont d’ailleurs survenus jusqu’à maintenant, notamment sur le lac Saint-Louis et sur le lac des Deux Montagnes. À Repentigny, la rampe de mise à l’eau au parc Saint-Laurent doit demeurer fermée pour un temps indéterminé, tout comme les quatre rampes au lac Taureau. De plus, plusieurs bateaux ne peuvent pas être mis à l’eau dans certaines marinas.
À l’origine, le « Traité relatif aux eaux limitrophes1 » conclu en 1909 entre le Canada et les États-Unis mettait l’accent sur la navigabilité des cours d’eau tout en s’assurant des besoins des riverains; il a donné naissance à la Commission mixte internationale (CMI)2. La règle est qu’on ne doit pas modifier l’écoulement des eaux de façon permanente.
Le creusage du chenal maritime a réduit le nombre d’embâcles mais elles sont plus difficiles à briser à cause d’un empilement plus important des glaces. La navigation hivernale jusqu’à Montréal depuis le milieu des années 1960 a réduit le nombre d’embâcles et leur durée. La construction des barrages hydroélectriques (Moses-Saunders, Beauharnois et Carillon) en Ontario/États-Unis et au Québec a facilité aussi la gestion des niveaux d’eau en amont de Grondines. Toutes ces modifications ont eu comme conséquence de diminuer les plus hauts niveaux d’eau du fleuve Saint-Laurent et de les déplacer en période printanière.
Comme on peut le constater, les activités humaines ont eu un effet positif sur la sécurité des riverains et des marins dans le premier siècle d’existence de la CMI. Les écosystèmes ont subi quelques impacts en perdant un peu de leur milieu humide durant cette même période.
À la fin de l’année 2016, les commissaires de la CMI ont signé une nouvelle ordonnance concernant la mise à jour pour la régularisation des niveaux d’eau et des débits du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. La CMI a remplacé le plan 1958D par le plan 20143 qui aidera à mieux protéger la santé et la diversité des zones humides côtières en fonction des changements climatiques.
Il faut beaucoup d’eau et de temps pour hausser ou diminuer le niveau d’eau d’un des Grands Lacs. Les commissaires de la CMI ont une certaine latitude, puisque de grandes quantités d’eau et plusieurs conditions météorologiques peuvent être en cause sur le système Grands Lacs / Saint-Laurent. À moins de conditions météorologiques pluvieuses persistantes, les niveaux d’eau entre les lacs des Deux Montagnes et Saint-Pierre demeureront extrêmement bas pour l’été 2021.
Cela n’est qu’un survol de quelques facteurs pouvant avoir une influence sur la gestion des niveaux d’eau du système Grands Lacs / Saint-Laurent.
N’hésitez pas à me faire parvenir vos commentaires et vos suggestions.
1 Les origines du Traité relatif aux eaux limitrophes | Commission mixte internationale (ijc.org)
1 Traité relatif aux eaux limitrophes de 1909 | Commission mixte internationale (ijc.org)
2 Accueil | Commission mixte internationale (ijc.org)
3 La CMI va de l’avant avec le Plan 2014 | Commission mixte internationale (ijc.org)
Par Bernard Labrecque
bernard.labrecque@globetrotter.net
Président de l’Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
* Cet article a été publié dans le Vol. 44 No. 3 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est gratuit!
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