De la fermeture à l’ouverture des écluses : un compte à rebours sans plaisanciers
Aussitôt les derniers bateaux éclusés, les équipes de Parcs Canada s’activent afin de protéger les infrastructures des voies navigables des rigueurs de l’hiver. Dès la fin de la saison de navigation, alors que les plaisanciers s’affairent à entreposer leur embarcation jusqu’à l’été suivant, le compte à rebours de la maintenance des canaux historiques commence! Que se passe-t-il dans les canaux lorsque les températures chutent et que les bateaux désertent les plans d’eau de la province?
Inspections et entretien préventif des voies navigables
L’agenda de l’équipe des services techniques de Parcs Canada, déjà bien rempli durant la saison de navigation, est autrement chargé dès la mi-octobre. En effet, une fois la saison de navigation terminée, les inspections se multiplient dans les cinq canaux historiques de Parcs Canada au Québec.
Le travail d’inspection et de vérification de l’ensemble des infrastructures a pour objectif principal d’assurer la sécurité des visiteurs et celle des équipes qui œuvrent sur les canaux, que ce soit sur le terrain ou sur l’eau. Tout devra être inspecté, réparé puis entreposé au besoin. Cela est essentiel au bon fonctionnement et à la durabilité des infrastructures. À titre d’exemples, les surfaces des quais et leurs ancrages qui sont mis à l’épreuve par des milliers d’embarcations qui s’y amarrent chaque année. En 2021, ce sont 15 586 bateaux qui ont été éclusés dans les cinq canaux historiques de Parcs Canada au Québec!
S’en suivra le démantèlement des quais et des passerelles. Il faut faire vite; plus de 250 quais et des dizaines de passerelles sont à retirer avant que la glace ne se forme. Puis, les équipes vérifient les murets, les portes et les mécanismes des écluses. Rien n’est laissé au hasard afin d’assurer la pérennité des ouvrages et de garantir la sécurité des usagers des canaux.
Murs, écluses et portes : indispensables au passage des bateaux
Les murs de soutènement des canaux sont des éléments représentatifs de leur évolution et des techniques de construction utilisées depuis plus d’un siècle. Chaque année, Parcs Canada s’emploie à protéger ces murs et à préserver l’intégrité historique des canaux en menant des inspections d’ingénierie et en réalisant les travaux appropriés au besoin.
Aux inspections des murs s’ajoutent celles des différentes composantes de l’ensemble des canaux : les mécanismes des écluses manuelles ou hydrauliques, l’étanchéité des portes des écluses, le boulonnage des structures métalliques, les déversoirs, les digues et les barrages, pour n’en nommer que quelques-unes. L’entretien s’étend également aux rives. Chaque automne, les équipes vérifient la solidité des mains courantes et des garde-corps, la visibilité de la ligne bleue (quai d’attente), l’état des logettes ainsi que les différents systèmes d’éclairage.
Nettoyage visible et invisible
Les déchets et les débris dans et aux abords des voies navigables sont malheureusement omniprésents. Ils peuvent impacter un mécanisme d’ouverture et de fermeture d’une écluse et avoir des conséquences fâcheuses sur les infrastructures.
Des quantités innombrables de déchets et de débris sont retirées annuellement dans certains canaux situés en milieu urbain. Leur collecte est devenue une tâche colossale été comme hiver pour les équipes sur le terrain, mais aussi pour les collaborateurs qui travaillent d’arrache-pied à la conservation et à la protection de ces sites patrimoniaux. Ceci est sans oublier la lutte contre la pollution visuelle. Des efforts considérables sont déployés chaque année pour nettoyer les graffitis qui s’accumulent dans le paysage urbain. Puisqu’une image vaut mille mots, jetez un œil à la photo ci-dessous prise le 29 novembre 2021 au Canal-de-Lachine.
Variation des niveaux d’eau : entretien et conservation du patrimoine
L’amas de débris ci-dessus a pu être extrait du canal grâce à l’abaissement du niveau de l’eau. Vous l’aurez possiblement remarqué : il arrive que le niveau d’eau des canaux soit abaissé une fois l’automne venu, juste après la saison de navigation. Cette technique facilite la vérification et la maintenance d’éléments essentiels au bon fonctionnement des écluses et permet aux équipes de retirer plus facilement les plus gros déchets qui se seraient retrouvés au fond d’un canal.
Une opération délicate
Généralement, on évite de laisser le canal vide pendant la période hivernale, car, à elle seule, la masse d’eau joue un rôle primordial dans la maintenance du canal. L’eau permet de contrebalancer la poussée exercée par la terre sur les murs à l’extérieur des fondations du canal, et ce tout particulièrement en période de gel. Les équipes de Parcs Canada utilisent alors les embarcations nautiques (chaloupes et barges) pour parcourir les canaux et réaliser un contrôle qualité des travaux réalisés.
Si les équipes de terrain de Parcs Canada font un travail exemplaire, elles sont aussi aidées de nos collaborateurs et partenaires. Ces derniers contribuent avec succès à la mise en valeur et à la protection des canaux historiques grâce à leurs expertises respectives (environnement, opération des écluses, sécurité, etc.). Nous n’avons qu’à penser à l’intervention de plongeurs professionnels qui, avant chaque ouverture de saison, inspectent minutieusement et vérifient l’opérationnalisation des structures qui ont été réinstallées dans les canaux.
Sauvetage et relocalisation des poissons
Lors d’un abaissement, l’eau s’évacue graduellement grâce à des vannes à travers lesquelles les poissons du canal trouvent leur chemin vers le plan d’eau le plus proche. Cependant, il arrive que certains d’entre eux se retrouvent pris dans des poches d’eau, généralement suffisamment profondes pour assurer leur survie durant l’hiver.
Lorsque l’assèchement d’un bief est nécessaire à la réalisation de certains travaux, Parcs Canada procède au sauvetage et au déplacement des poissons qui sont toujours présents dans le secteur. Les exercices de sauvetage et de relocalisation de poissons lors de l’assèchement des sas des écluses se font grâce à la précieuse collaboration de partenaires publics et privés (Comité de concertation et de valorisation du bassin de la rivière Richelieu, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pêches et Océans, etc.), qui ont tous l’expertise pour contribuer à ce travail délicat.
Ci-dessous, les équipes de terrain sont en pleine action au lieu historique national du Canal-de- Chambly. Elles utilisent une technique de capture appelée « senne à bâtons ». La senne permet de longer les parois des écluses à l’aide d’un grand filet tout en créant un confinement étanche. La senne utilisée est assez large pour qu’un bon arrondi se forme au centre; de cette manière, un maximum de poissons se retrouve dans la poche de capture. Puis, cette dernière est fermée et apportée près d’une nacelle. Les poissons sont alors transvidés dans des bacs; c’est à ce moment que l’abondance et la diversité des espèces présentes sont estimées. Les bacs sont fermés et placés dans la cage avant d’être hissés en haut de l’écluse par une grue et un chariot élévateur télescopique. Puis ils sont immédiatement acheminés vers le site de relâche. Les sites de relâche varient selon le canal où l’opération doit être réalisée. Toutes ces manœuvres doivent être douces et délicates tout en ayant un rythme accéléré pour l’exercice de transfert, et ce, afin de réduire toute source de stress et d’assurer un taux d’oxygénation optimal pour les espèces.
Notons que de nombreuses espèces telles que la perchaude, l’achigan à petite bouche, le crapet-soleil et le chevalier cuivré se retrouvent dans la rivière Richelieu et, par conséquent, dans les canaux historiques qui lui sont connexes. Rappelons que le chevalier cuivré est une espèce en voie de disparition depuis 2007 selon la Loi sur les espèces en péril du gouvernement du Canada; il s’agit d’un poisson unique au monde qui ne se retrouve que dans le sud-ouest du Québec.
Si vous faites escale au canal de Saint-Ours, vous y trouverez les informations sur la passe migratoire Vianney-Legendre, une structure inusitée qui exige également beaucoup d’entretien.
Et si vous souhaitez en apprendre davantage sur le chevalier cuivré, vous pouvez aussi consulter le site de Pêches et Océans Canada.
Des canaux historiques qui grouillent de vie toute l’année
Les plaisanciers deviennent bien souvent des visiteurs en berges amoureux d’activités hivernales hors saison de navigation. Les arbres sont couverts de neige et les eaux sont gelées; bien qu’il soit impossible de sortir son bateau, sachez que les panoramas vus des berges sont magnifiques et qu’ils en valent le détour! Le personnel de Parcs Canada vous accueille durant les mois d’hiver avec une programmation d’activités qui réchauffe les cœurs. Il est temps d’explorer les abords des voies navigables avec un œil neuf, de remplacer vos sandales par des bottes doublées et de venir se créer de nouveaux souvenirs au grand air en famille ou avec les amis. Mais rassurez-vous, toutes les équipes travaillent fort pour que vous puissiez naviguer dans les canaux l’été prochain!
Pour connaître tous les détails sur la programmation d’activités hivernales, visitez le parcscanada.gc.ca/canaux ou suivez-nous sur la page Facebook Canaux historiques au Québec, Parcs Canada.
Par Béatrice Launay, Agente Partenariats, engagement et communications, Voies navigables au Québec – Parcs Canada.
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Vol. 45 No. 1 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!