Vers l’infini… et plus loin encore!
Pour des navigateurs curieux comme nous, c’est-à-dire ma femme Noémi, notre fille de sept ans, Ophélie, et moi, Louis, cette phrase prend tout son sens, sur l’eau et sur terre! Que se cache-t-il au-delà de l’horizon, au détour de cette route?
Nous avons navigué plusieurs fois le long de la côte américaine, l’Intracoastal, les Bahamas, les Antilles, mais le terrain de jeu est très grand! Il y a toujours un petit coin, un détour, une île, que nous n’avons pas encore exploré.
Nous flottons depuis plus de 20 ans, Ophélie a donc commencé à naviguer avant même de voir le jour et dès l’âge de sept semaines, elle embarquait à son tour alors que nous travaillions pour une compagnie de charter basée à Nassau. Des sorties de plaisance en convoyages, plus une traversée… Elle a eu le pied marin avant même de savoir marcher… la légende veut qu’elle ait de l’eau salée dans les veines!
Nous avons acheté notre voilier actuel, Counting Stars, à Saint-Martin, dans les Antilles. Nous avions pris la décision de vendre notre ancien voilier au lac Champlain, parce que nous ne voulions pas le descendre à nouveau dans les Antilles. Manque de temps… La voile, c’est sûrement le moyen de transport le plus lent pour se rendre d’un point à l’autre. Mais quel bonheur!
Nous avons fait l’acquisition de notre nouvelle monture en novembre 2015. Nous avons navigué pendant deux hivers à Saint-Martin et aux îles voisines. En 2017, de nouveaux projets nous ramenaient au Québec. Qu’allions-nous faire avec notre bateau? Eh bien oui… on l’a ramené au lac Champlain… pied de nez du destin. Parlant de celui-ci, il nous a quand même épargné les dommages ou la perte du bateau, ce fameux destin, puisque la destructrice Irma soufflait sur Saint-Martin cet automne là…
Deux ans plus tard, nous avions refait le tour des tranquilles mouillages et des charmantes villes sises sur le bord du lac Champlain. La mer et l’envie du voyage nous rappelait, impossible d’y résister… comme le chant des sirènes! En juin 2019 nous avons repris la route, mat couché vers les écluses… Cap sur Grenade, une étape à la fois. Nous ne sommes pas retraités et notre fille va à l’école, nous préférons adapter notre façon de voyager. Avec le soutien de madame Isabelle, la titulaire d’Ophélie, nous avons pu continuer l’école à bord! On a fait du français et des maths… mais l’école de la vie nous a montré plein d’autres choses aussi (aux petits comme aux grands)!
Nouveaux décors, nouveaux amis, mais surtout une nouvelle façon d’explorer toutes ces nouvelles destinations. À la recherche d’un moyen de déplacement sur terre, nos critères incluaient : la rapidité, l’efficacité, la facilité de rangement à bord et ça devait être agréable! Nous avons évalué plusieurs possibilités, mais finalement notre choix s’est arrêté sur deux supers compagnons de voyage… des trottinettes électriques E-TWOW Booster V. Nous avions regardé différents moyens de transport pour nos escales. C’est bien connu en voyage, les épiceries sont toujours trois milles à gauche ou à droite… Un peu loin à pied!
Peu encombrantes, rapides et plus performantes que les vélos pliables, elles nous ont permis de découvrir de nouveaux coins, restos, et surtout de faire nos courses plus rapidement. De New York à Solomon Island en passant par Norfolk, de Port Lucaya à Long Island aux Bahamas, et toutes ces autres destinations trottinées! La facilité de se rendre à l’épicerie et surtout d’en revenir, sac au dos avec nos victuailles. La corvée devenait ludique! Ça nous permettait d’aller un peu plus loin que là où on pouvait aller avant et de découvrir « le restaurant, le petit magasin génial… ». Nos balades attiraient l’attention et la curiosité des plaisanciers et des locaux, on a même fait essayer nos trottinettes à plusieurs personnes, avec toujours le même résultat, sourire instantané!
Pour la plus récente partie de notre périple, nous sommes repartis de Grand Bahamas, où en octobre j’avais convoyé Counting Stars avec deux amis. C’est entre Port Lucaya et Stirup Cay que nous avons rencontré une baleine. Saviez-vous qu’une baleine à tribord est prioritaire? À bâbord aussi! Laissez-moi vous le dire!
Nous avons donc refait la route que nous connaissions bien. Revu Nassau, les Exumas avec leurs plages à couper le souffle… toutes ces nuances de bleu, comme la nature est belle et artistique! Nous n’avons pas manqué d’aller saluer les cochons de Big Major Cay et de plonger dans la grotte à Staniel Cay! Nous avons navigué jusqu’à Georgetown, où comme la majorité des voileux nous avions terminé notre voyage sept ans plus tôt. Mais cette année, on continuait au sud… toujours au sud!
À Georgetown la courroie du moteur a brisé. J’en avais une de rechange, mais c’était la dernière. Hop! La trottinette. Cette fois c’était sérieux, sept milles pour aller en racheter une. Un jeu d’enfant avec la trottinette. Retour au mouillage… Pile à l’heure pour le 5 à 7! On a des priorités dans la vie!
Après Georgetown, direction Long Island. Des 500 bateaux ou plus qui se rendent jusqu’à Georgetown, seulement une petite quarantaine continuent leur route. La navigation est moins protégée, la météo plus difficile, les distances plus longues et les îles moins peuplées. C’est moins attrayant, mais puisque nous cherchons à nous rendre jusqu’à Grenade, on continue! Prochain arrêt, Clarencetown, où nous regardons le Super Bowl! Une tradition pour notre équipage, le Super Bowl dans une île différente chaque année! Comme chaque petit bonheur a un prix… pour nous : vents de 30 nœuds, mer montée… le tout de face naturellement. Mais voir Laurent Duvernay-Tardif et les Chiefs gagner… ça n’a pas de prix!
Les vents de 25 à 30 nœuds ont été la norme cet hiver, beaucoup de fronts froids. On regarde la météo plusieurs fois, on rencontre des gens avec plein d’opinions, mais comme dit le dicton : « Qui trop écoute la météo, passe sa vie au bistro! » Nous sommes des marins aguerris, un peu téméraires (juste ce qu’il faut), et avons confiance en notre bateau. Alors, la décision est prise, le départ sera pour demain. Vents du sud-est de 20 à 25 nœuds, mer d’un mètre avec quelques creux, annoncés… Les gens qui font du bateau vous le diront, la météo est une science inexacte. Alors… 25 à 30 nœuds avec des vagues de 2 à 3 mètres et de beaux creux, c’est plutôt ce que nous avons dû affronter comme conditions de navigation pour arriver à notre destination finale de cette étape : les îles Turks et Caïques, une étape de plus de 175 milles en partant de Long Island aux Bahamas.
Notre traversée est difficile, ça brasse! Navigation au moteur pour être capable de faire un peu d’est. On louvoie, comme le dicton le dit : « Deux fois la peine, dix fois la route! »
Et les 175 milles nautiques se rallonge, se rallonge… Après les premières 24 heures : 75 milles nautiques seulement dans la bonne direction. Comme j’avais prévu une navigation de 30 heures et un resto le soir de l’arrivée, les visages aussi se rallongent.
Un malheur n’arrivant jamais seul, vers 10 h du matin, le moteur arrête… il repart. Ouf!
Et arrête…
Et ne repart plus.
Pas question dans cette météo de mettre le nez dans le compartiment moteur. Les poissons sont assez gras… La nuit tombe et on poursuit sous les étoiles et la lune qui nous éclaire, comme un phare bienveillant.
On n’a plus de moteur, vous vous souvenez?
Il faut planifier notre arrivée sur le banc des Turks. À voile. Il faudra ancrer. À voile. Le vent ne faiblit pas, il ne nous facilitera pas la tâche. On décide de contourner le banc par le sud pour profiter du vent. On doit passer de plus de 1 000 pieds de profondeur à 10 pieds, en frôlant des récifs. À voile. Notre tirant d’eau est de 6 pieds 8 pouces (2,03 m), alors on tire des bords pour une arrivée optimale.
Le point d’entrée se dessine enfin sur notre GPS, mais, surprise, en regardant vers l’arrière, un bateau de port décide de prendre la même route que nous!
Trois heures du matin, concentrés, fatigués, stressés… Ne manquait plus que ça. On appelle sur le VHF sans beaucoup d’espoir. Mais oui, le capitaine nous répond! Il va nous laisser sur son bâbord. On doit s’écarter pour le laisser passer. Alors on tire des bords, et le cargo se rapproche, on hallucine! On a vraiment l’impression qu’il nous vise. La nuit, on n’a pas toujours les idées claires! Alors on s’éloigne vraiment le temps qu’il passe et que la nuit l’avale. Cette manœuvre nous fait manquer notre approche, nous devrons recommencer en tirant des bords. Jusqu’à ce que nous passions l’entrée et que se dessine le mouillage de Sappodilla… Pas protégé du tout. Toujours 20 nœuds qui soufflent.
La lune nous tire sa révérence dans un coucher rougeoyant magnifique… L’aube nous éclaire d’une nouvelle lumière, l’espoir de l’arrivée.
Noémi et moi révisons notre technique de mouillage à voile.
Pas le droit à l’erreur.
Pas de moteur, pas de deuxième chance.
On doit mouiller dans 7 à 8 pieds (2,12 à 2,43 m) d’eau, avec 6 pieds 8 pouces (2,03 m) de tirant d’eau.
On a un œil ouvert, l’autre pas sûr… Ophélie croise les doigts…
Et la manœuvre se passe bien! La chaine file! La chaine tient! Le stress tombe enfin… Après 48 heures de veille. Le bateau et l’équipage maintenant sécurisés, le repos est bien mérité.
Ce sera un simple filtre mécanique diesel bouché qui nous aura obligé à revoir nos techniques de voile. Tout en nous confortant dans nos capacités de navigateur. Une petite réparation et le vrombissement sécurisant se faisait de nouveau entendre.
Les îles Turks et Caïques sont une belle destination. Beaucoup plus américanisées que les Bahamas. Ces îles, situées sous le tropique du Cancer, jouissent d’un climat tropical. Une moyenne de 30 degrés à l’année. Encore une fois nos trottinettes nous servent de moyen de transport entre les différentes épiceries, hôtels et boutiques.
Notre aventure s’arrête ici. Counting Stars est maintenant hors de l’eau, sécurisé par des attaches anti-ouragan. À nous attendre pour la prochaine aventure : la République dominicaine toute proche à 78 milles nautiques de West Caicos.
Ophélie retrouve ses amis, Noémi et moi retrouvons nos obligations, mais… La mer résonne encore à nos oreilles et même à terre on gite un peu…
Comme dit le dicton : « Les marins sont des poètes, sensibles à la magie d’un clair de lune, aux reflets de l’eau et à la destinée qui semble venir des étoiles. »
Et nous on aime bien les compter, ces étoiles…
Vous pouvez vous procurer les trottinettes E-TWOW au www.ewheelsmobilite.com, au e-twow.ca et chez Marina Gosselin.
Par Louis Morin
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Printemps 2020 de Québec Yachting. Abonnez-vous, C’EST GRATUIT!