Naviguer et protéger notre icône nationale, le Plongeon huard!
Qui d’entre nous n’a pas été impressionné par les chants exceptionnels du Plongeon huard lors de ses escapades en nature près ou sur un lac. Le trémolo, le cri plaintif, l‘ioulement et le hululement, ces sons enchanteurs et enveloppant marquent notre imaginaire et nous procurent un important sentiment de bien-être, particulièrement par une belle soirée estivale. Arrivé à la fonte des glaces, il construit son nid près de l’eau, et sa période de reproduction peut se poursuivre jusqu’à la fin de l’été.
Huard aux ailes déployées. Crédit photo : Oiseaux Canada.
Le huard est devenu une icône nationale alors que les Canadiens l’ont adopté comme emblème sur leur monnaie :
Le huard, un oiseau aquatique gracieux au cri obsédant distinct, occupe une place particulière dans la culture et le folklore canadiens.
Connu pour sa présence dans les lacs et les rivières partout au pays, le huard est devenu un symbole durable de la nature sauvage et de la beauté naturelle du Canada.
En choisissant le huard comme symbole de leur monnaie, les Canadiens ont adopté un emblème qui fait écho à leur lien profond avec la nature.
Malheureusement, ce lien profond avec la nature se perd, alors que la nature doit céder sa place aux sports nautiques de plus en plus intenses, bruyants, puissants et festifs. Mais, est-il possible de préserver ce lien avec la nature tout en s’amusant sur les plans d’eau? Naturellement, oui! Il s’agit de « connaître » pour « protéger »!
Selon l’Inventaire canadien des plongeons huards de Oiseaux Canada, nous faisons face à des populations de Plongeons huards qui sont en déclin. En effet, « au cours des 30 dernières années, la productivité du Plongeon huard a diminué au rythme de 1,4 % par couple chaque année à l’échelle du Canada. »
Les raisons sont diverses, mais une raison importante concerne la navigation de plaisance :
L’aménagement des rives et la circulation des bateaux posent d’importants problèmes aux Plongeons huards. Ceux-ci érigent leurs nids le long des rives, juste au-dessus du niveau de l’eau, de manière à y accéder facilement… La circulation de bateaux peut réduire la productivité des huards en produisant des vagues qui inondent les nids et dérangent les adultes en train de couver les œufs ou les distraient pendant qu’ils nourrissent et protègent leurs petits. Les collisions avec des bateaux constituent aussi une importante cause de mortalité de huards, tant des adultes que des jeunes.
Source : https://view.publitas.com/birds-canada-gykxaz9yrrpp/clls-40-yr-report-final-fr-1/page/10
Plongeon huard sur son nid. Crédit photo : Oiseaux Canada.
Le nid du Plongeon huard est visiblement vulnérable à l’impact des vagues de plus en plus puissantes des embarcations à moteur, notamment de type « wakeboat ». On sait que de plus en plus de ces embarcations naviguent sur nos lacs. Leurs pilotes ne connaissent pas tous l’impact de leurs vagues.
Selon une étude réalisée par l’UQAM en 2014,
« les vagues produites par les bateaux de type « wake boats » et naviguant avec leurs ballasts engagés doivent parcourir, de part et d’autre du sillon, une distance d’au moins 300 mètres pour que l’énergie générée par celles-ci se dissipe complètement » (Mercier-Blais et Prairie, 2014).
Donc, imaginez la vague produite et son effet sur le nid du huard lorsqu’un tel bateau navigue à seulement 100 mètres de la rive! Imaginez aussi l’impact combiné de vagues de deux ou de trois bateaux du même type! Pour minimiser son impact sur la vie aquatique et la rive, un wakeboat doit naviguer au centre d’un corridor d’au moins 600 mètres!
Par ailleurs, un témoignage recueilli de Marie-Claude Paquette, photographe et amoureuse des huards, est particulièrement préoccupant :
Crédit photo : Marie-Claude Paquette, Flickr.
« Sur notre lac, le lac des Sables à Sainte-Agathe-des-Monts, où j’habite à temps plein, j’ai vu deux jeunes adolescents sur une motomarine pourchasser une famille de huards. Le résultat : j’ai dû recueillir deux oisillons morts que j’ai enterré dans mon jardin avec une grande tristesse. Lorsque j’ai parlé aux parents de ces jeunes, ils m’ont simplement dit : les huards viennent déféquer sur mon terrain, ils sont nuisibles… Je leur ai expliqué que les huards ne peuvent pas marcher sur la terre, c’est pourquoi ils construisent leurs nids si près de l’eau. Ce n’est certainement pas eux qui viennent sur votre terrain! » Marie-Claude Paquette
Cet exemple, comme d’autres, montre le peu de respect de certains pour la nature. Il est essentiel de sensibiliser tous les plaisanciers à l’importance d’adopter de bonnes pratiques de navigation durable lorsqu’ils utilisent un bateau à moteur, quel que soit leur âge.
Le Plongeon huard, cet oiseau emblématique du Canada, mérite tout notre respect et notre attention. En 40 ans, Oiseaux Canada a encouragé et collecté les observations de plus de 4 000 citoyens scientifiques amateurs sur le Plongeon huard sur 4 500 lacs. Leur impressionnant travail produit des masses de données qui constituent l’Inventaire canadien des Plongeons huards. Cet ouvrage comporte une mine d’information pour le navigateur qui veut se familiariser avec les habitudes de ces magnifiques oiseaux aquatiques. Si vous avez des questions concernant l’Inventaire canadien des Plongeons huards au Québec, veuillez contacter le partenaire québécois du programme en envoyant un courriel à Laura Puch, biologiste à Québec Oiseaux, à l’adresse huards@quebecoiseaux.org.
Crédit photo : Oiseaux Canada.
Par ailleurs, saviez-vous que le huard a besoin d’une eau claire pour chasser le poisson qui constitue sa principale nourriture? Il peut donc difficilement se nourrir dans une eau trouble.
Crédit photo : Oiseaux Canada.
Dans une présentation à l’organisation Oiseaux Canada, monsieur Don Griggs, de la Kezar Lake Watershed Association dans le Maine, illustre l’impact de l’hélice d’un wakeboat sur le fond du lac.
Impact de l’hélice d’un moteur sur le fond du lac Bottom
Voici l’impact d’un bateau de wake ou tout autre bateau motorisé se déplaçant à environ 8 à 12 mph (12 à 19 km/h) dans une eau de moins de 20 pieds (6 mètres) de profondeur. Crédit photo : Don Griggs.
Dans cette présentation, il mentionne que les wakeboats ne devraient jamais naviguer à moins de 20 pieds de profondeur pour ne pas brasser les sédiments et relarguer le phosphore dans la colonne d’eau. Ce phosphore nourrit les plantes aquatiques envahissantes et les algues qui prolifèrent et accélèrent l’eutrophisation du plan d’eau. Cette affirmation avait été confirmée au Québec par Sébastien Raymond et Rosa Galvez de l’Université Laval dans leur étude de 2017 qui conclut que cette profondeur doit être d’au moins 7 mètres ou environ 23 pieds.
L’impact du sillage d’un bateau de wake a heurté une plateforme de nidification des huards. Celui-ci a navigué à environ 250 pieds (76 mètres) vers la gauche sur ces photos. Les bateaux de wake doivent naviguer à au moins 500 pieds (152 mètres) du rivage et dans des eaux de plus de 20 pieds (6 mètres) de profondeur. Crédit photo : Don Griggs.
La Coalition pour une Navigation responsable et durable (Coalition Navigation) vous invite à adopter les bonnes pratiques de navigation durable.
L’impact du sillage d’un bateau de wake a heurté une plateforme de nidification des huards. Celui-ci a navigué à environ 250 pieds (76 mètres) vers la gauche sur ces photos. Les bateaux de wake doivent naviguer à au moins 500 pieds (152 mètres) du rivage et dans des eaux de plus de 20 pieds (6 mètres) de profondeur. Crédit photo : Don Griggs.
Prenez le temps de vous informer sur sa campagne de sensibilisation disponible en ligne. Elle est basée sur des données scientifiques.
Si vous respectez ces règles, vous protégerez le Plongeon huard, ce magnifique oiseau aquatique emblématique au Canada.
Naviguez avec le bon bateau au bon endroit et, surtout, soyez conscient de l’impact de vos vagues!
Références :
https://view.publitas.com/birds-canada-gykxaz9yrrpp/clls-40-yr-report-final-fr-1/page/1
https://www.oiseauxcanada.org/le-plongeon-huard-une-espece-fascinante-et-fragile
https://view.publitas.com/birds-canada-gykxaz9yrrpp/clls-40-yr-report-final-fr-1/page/1
Par Denise Cloutier, vice-présidente de la Coalition Navigation
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Printemps 2024 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!
