La prise de ris sur un voilier
Il arrive à l’occasion d’observer des voiliers de 25 pieds et plus sur lesquels aucune prise de ris n’est installée. C’est ce qui m’a motivé à écrire cet article. La prise de ris doit être vue comme un équipement de sécurité essentiel, et aussi comme un équipement peu dispendieux qui assure manœuvrabilité et confort. Dans cet article nous définirons ce que signifie « Prendre et larguer un ris », pourquoi et quand prendre et larguer un ris. Nous aborderons la manœuvre dans le détail, les considérations de sécurité associées et traiterons brièvement de l’équilibre du voilier.
Que signifie « prendre ou larguer un ris »
Prendre un ris, c’est réduire la grand-voile. Sur une grand-voile, on peut prendre un, deux ou trois ris selon sa configuration. Plus on prend de ris, plus la voile s’en trouve réduite. Larguer un ris, à l’inverse, consiste alors à augmenter la grand-voile, c’est-à-dire à enlever un ris.
Pourquoi prendre un ris
Lorsque le vent forcit, le voilier devient « surtoilé », c’est-à-dire que le volume des voiles devient trop grand. Le voilier gite beaucoup trop. Aux allures entre le près et le travers la dérive du voilier augmente alors de façon importante au détriment de sa propulsion, bref il dérive davantage sur le côté et avance moins dans la direction désirée. C’est la résistance de la quille du voilier dans l’eau aux allures entre le près et le travers qui empêche le voilier de dériver sur le côté et le fait avancer dans la direction souhaitée. Lorsque le voilier est trop gité, la quille est trop couchée dans l’eau et ne joue plus adéquatement son rôle. De plus, dans cette position le voilier cherche aussi à remonter face au vent, on doit alors le retenir en braquant le gouvernail, ce qui créé une résistance importante dans l’eau et ralentit notre embarcation. Bref, l’adrénaline que cette position peu susciter chez certains marins peut laisser croire que plus on est gité plus on va vite, mais c’est une erreur. Un voilier surtoilé et trop gité est ralenti, et cela représente une navigation inconfortable impliquant des risques de blessures pour l’équipage et de bris de l’équipement. La majorité des quillards sont conçus pour naviguer de façon optimale selon une gite ne dépassant pas entre 15o et 25o.
Quand prendre un ris
On privilégiera de prendre un ris à quai, avant d’appareiller, après avoir vérifié la météo; c’est plus facile et plus prudent que sur l’eau par gros temps. Concernant la force du vent, cela varie selon la dimension et le type de voilier (croisière ou régate par exemple). De façon générale, à partir de 13 à 15 nœuds de vents ou force 4 à 5 selon l’échelle de Beaufort (11 à 16 nœuds), on envisagera de prendre un ris. Si le vent forcit lorsqu’on est sur l’eau, on devra ariser sur l’eau.
Par bon vent, au changement d’une allure portante (vent arrière) vers une allure entre le près et le travers, on pourrait devoir prendre un ris. Au portant, seul le côté au vent des voiles subit la pression de l’air, lorsqu’on vire pour le travers ou le près, l’air qui passe sous le vent des voiles s’ajoute et crée un effet de succion semblable à un effet d’aile d’avion. On pourrait alors se retrouver surtoilé.
Enfin, avec un vent en rafale, lorsque l’équipage à bord a les habiletés pour le faire, il est possible aux allures entre le près et le travers de choquer l’écoute de grand-voile à l’arrivée de la rafale, puis de border une fois la rafale passée ou de laisser le voilier remonter légèrement au vent pour éviter une gite excessive. Par vent arrière, c’est le hale-bas qu’on choquera et bordera.
La manœuvre pour prendre un ris
Prendre un ris requiert deux équipements : une « bosse de ris », c’est-à-dire un cordage inséré dans un œillet situé à bonne hauteur sur la chute (partie arrière) de la grand-voile (pour chaque ris), et le « cros de ris », un crochet situé sur le vit-de-mulet (articulation de la bôme fixée au mât) sur lequel on vient fixer un œillet situé à bonne hauteur sur le guindant (partie près du mât) de la grand-voile.
Lors de la manœuvre, il est important que les étapes présentées dans le tableau suivant soient réalisées dans le bon ordre pour éviter les bris d’équipement et assurer la sécurité de l’équipage. Par exemple, certains cordages comme l’écoute de grand-voile, le hale-bas et les bosses de ris exercent une force vers le bas sur la grand-voile, tandis que la drisse de grand-voile et la balancine exercent une force vers le haut. Il faut s’assurer durant la manœuvre qu’une force vers le bas ne s’exerce pas en même temps qu’une force vers le haut pour éviter entre autres de déchirer notre voile. Également sur la plupart des voiliers, une personne devra se rendre au mât lors de la manœuvre pour accrocher l’œillet du guindant sur le croc de ris. On doit alors s’assurer que la bôme est toujours sécurisée (écoute de grand-voile bordée et au taquet) lors du déplacement de cette personne).
Dans le tableau, la colonne de gauche (étapes 1, 3 et 5) décrit le rôle du barreur et la colonne de droite (étapes 2, 4 et 6) présente les tâches de l’équipage.
Les étapes de la manœuvre sur une grand-voile traditionnelle :
Sur une grand-voile avec prise de ris automatique, la manœuvre est simplifiée puisque la bosse de ris permet d’ajuster à la fois la chute (la partie arrière) et le guindant (la partie avant) de la grand-voile. La manœuvre peut généralement être réalisée à partir du cockpit sans qu’une personne doive se rendre au mât. Les voiliers munis de ce système sont aussi généralement munis d’un lazy bag qui permet d’emmagasiner la grand-voile lorsqu’elle est réduite, ce qui évite d’utiliser les garcettes de ris.
Enfin sur une grand-voile avec enrouleur de mât, la prise de ris est encore davantage simplifiée, il suffit alors d’enrouler selon la dimension désirée notre grand-voile. Il en est de même pour une grand-voile sur enrouleur de bôme.
Lorsque le vent diminue
Lorsque le vent diminue, nous pouvons larguer un ris pour optimiser la performance de notre voilier. Le tableau suivant présente la manœuvre pour larguer un ris sur une grand-voile traditionnelle. Pour une grand-voile avec prise de ris automatique, les considérations mentionnées précédemment s’appliquent. Et pour une grand-voile sur enrouleur, il suffit alors de dérouler notre voile.
Priorité sur la sécurité des personnes :
Lorsqu’on doit prendre un ris sur l’eau, c’est que le vent est fort et que la mer est forte; tous doivent porter leur veste de flottaison individuelle et le harnais de sécurité doit être sécurisé sur une ligne de vie et sur un point fixe pour la personne qui est au mât.
On doit toujours circuler sur le côté au vent du voilier lorsqu’on se déplace de l’arrière vers l’avant (ou l’inverse), l’espace pour circuler est davantage libre de cordage. Si on fait une chute, il est plus probable que l’on tombe du côté du bateau plutôt que du côté de l’eau et on est moins susceptible de recevoir un coup de bôme si l’écoute était choquée.
Toujours sécuriser la bôme en bordant l’écoute de grand-voile et en appuyant la grand-voile au vent avant que la personne ne se rende au mât ou n’en revienne par le côté au vent du voilier, ou avant d’attacher ou de détacher les garcettes de ris.
Maintenir l’équilibre du voilier
Finalement, lorsqu’on réduit la grand-voile, il faudra aussi éventuellement ajuster la voile d’avant pour maintenir notre voilier en équilibre. Trop de voile d’avant et trop peu de grand-voile fera en sorte que notre voilier aura tendance à s’éloigner du vent de face. On dira que le voilier est trop mou. Par contre, trop de grand-voile et trop peu de voile d’avant fera en sorte que notre voilier aura tendance à remonter vers le vent de face. On dira alors qu’il est trop ardent. Une bonne combinaison de voile, c’est-à-dire un voilier bien équilibré, c’est un voilier qui est légèrement ardent.
En conclusion, la prise de ris sur un quillard ne devrait pas être considérée comme un équipement optionnel, mais comme un équipement de sécurité essentiel et peu coûteux. Toutes les grands-voiles sont normalement équipées d’œillets qui permettent l’installation de bosses de ris. Prendre un ris c’est une manœuvre de base qui se fait généralement en moins d’une minute avec la pratique. Mais c’est d’abord et avant tout une question de sécurité de l’équipage et de l’embarcation lorsque le vent forcit, c’est ce qui permet de maintenir notre embarcation manœuvrable et confortable en toute sécurité.
Qui est André Simpson?
André Simpson, est instructeur de voile élémentaire certifié Voile Canada et instructeur notamment « International Bareboat Skipper Sail, MCA ICC 24m Sail, Navigation Master » certifié International Yacht Training Worldwide.
En plus d’être passionné par la navigation de plaisance à la voile, André est très impliqué dans la formation en ligne, notamment au niveau de la plateforme https://www.e-nautic.training/.
Références :
International BOATING & SAILING PASSPORT COURSE, International CERTIFICATE OF COMPETENCY ( ICC ), International Yacht Training Worldwide, sept 2019.
Initiation à la croisière, 5e édition 2017, Voile Canada en collaboration avec Voile Québec.
Par André Simpson, Formation Nautique Québec
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Hiver 2023 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!