Enfin libres!
Tout petits, nous étions libres, mais ne le savions pas. Chaque jour, nous pouvions choisir nos activités sans aucun souci, puisque nos parents veillaient à ce que nous ayons tout le nécessaire, en plus de notre sécurité.
À l’adolescence, cette liberté commence à fondre doucement. Il faut, qu’on le veuille ou non, aller à l’école, étudier, respecter des règles et contribuer au bon ordre de la maison. Notre précieuse liberté est déjà bien entamée. Les études deviennent graduellement plus sérieuses et passent bien avant notre liberté. Les études terminées, c’est l’apprentissage qui occupe presque tous nos moments. De nouvelles directives, de nouvelles obligations et plus de contraintes meublent alors notre vie. Il ne nous reste que peu, très peu, de cette précieuse liberté de choix.
Cette étape complétée, certains de nous s’offrent un intervalle de grande liberté. Ils troquent momentanément famille, amis, ambition, pour aller à la découverte, au moins partielle, du monde qui nous entoure. Ce n’est probablement qu’un amuse-gueule du festin que leur réserve la retraite dont ils pourront jouir dans une quarantaine d’années.
Nous voilà adultes, éduqués, expérimentés, prêts à relever des défis. Le rythme de vie maintenant s’accélère jusqu’à souvent devenir une course folle. Les enfants, le boulot, le fardeau financier, la réussite. Notre monde de plus en plus exigeant ressemble de moins en moins à la société des loisirs qu’on nous annonçait dans les années 70. Que reste-t-il maintenant de notre précieuse liberté, celle qui enchantait tant notre enfance? On en vient à en oublier le sens même de ce qui n’est plus maintenant qu’un simple mot, non plus un concept. On prend du galon, on devient important dans son travail, on en vient à oublier ce que veut dire choisir ses activités. Évidemment, il y a de grandes compensations. Famille, enfants, succès qui souvent succèdent aux difficultés surmontées. La vie se déroule si rapidement. Qui donc a le temps de se poser des questions existentielles?
Puis, certains de nos pairs entament leur retraite. L’idée qu’un jour viendra notre tour commence à effleurer notre subconscient. Se dessine finalement l’aube de la grande liberté souvent méprise pour un rejet ou un échec. En fait, c’est tout le contraire. C’est finalement le début de la plus belle période de la vie. La grande décision maintenant, quand l’entamer? Et tout aussi grave de conséquences, qu’en faire de cette nouvelle et immense liberté?
Devrions-nous attendre la montre en or qui nous indique la sortie? Ou devrions-nous décider nous-mêmes que nous avons assez attendu et sommes bien équipés pour réaliser nos rêves? Cependant, il n’est pas nécessaire de couper tous les ponts instantanément. Sans bannir complètement le travail, on peut faire un boulot qui nous plaît et tout de même gagner un peu. En même temps, il faut probablement penser diminuer les coûts. Si on devait se déplacer pour aller au travail, il est peut-être possible maintenant de vivre ailleurs pour moins cher? Il est possiblement envisageable de vivre à bord, surtout si nous avons déjà un bateau.
Voilà, c’est lâché! Discutons donc retraite à bord.
Le bateau, évidemment, permet de se déplacer avec sa demeure, tout comme un VR d’ailleurs. Si on choisit de vivre à la marina, la comparaison avec le VR est directe. Si on opte pour le mouillage, le VR sera handicapé. Le bateau et surtout le voilier, peut-être et souvent, sont autosuffisants. Le VR demeure sur terre et cette terre est divisée en propriétés. On devra soit acheter son emplacement, le louer, ou autrement obtenir l’assentiment du proprio. La mer n’appartient à personne et le choix des mouillages est immense. Un VR ne produira pas son eau potable tandis que le bateau, toujours sur l’eau, aura souvent un dessalinisateur pour produire toute l’eau douce nécessaire. Le VR générera son électricité avec un groupe et sera limité par la quantité de carburant. Le bateau aura panneaux solaires ou éoliennes qui transforment l’énergie du soleil et celle du vent. Évidemment, un voilier se rend à destination sans carburant et peut donc traverser les océans, même changer de continent.
Considérons les désavantages, les exigences, les contre-indications, mais n’effaçons pas les avantages et les plaisirs de vivre sur la mer, à bord de notre palais flottant, libres comme Éole, heureux comme des dieux. Bon, bon, revenons sur mer!
Les désavantages sont surtout d’ordre subjectif. Le calme d’une vie au mouillage et la beauté de la nature toute proche seront considérés par d’autres comme étant ennui et isolement. On comprend facilement alors que ce choix de vie à la retraite ne soit pas pour tous. Comment savoir s’il est pour vous? Si vous avez des doutes, le plus sûr est d’en faire l’essai, bien avant de devoir décider.
Si vous aimez et connaissez bien la voile, mais pas la voile en mer, il vous sera assez facile de louer un bateau pour une ou deux semaines. Les Antilles me viennent tout de suite à l’esprit. Si vous choisissez d’y aller en hiver, le vent sera plus fort et la mer évidemment plus difficile, surtout pour ceux qui sont sujets au mal de mer. Avant la mi-décembre et après mars, l’alizé, le vent des tropiques, soufflera habituellement entre 15 et 20 nœuds. Il est toujours du même côté, variant de nord-est à sud-est. De Noël à Pâques, on peut s’attendre à trouver des vents de 20 nœuds et temporairement plus, voire 25 à 30 nœuds. Comme il n’y a pas de grains très forts ni tempêtes, ces conditions sont toujours prévisibles. Très, très rarement aurons-nous une mer de plus de 3 mètres. Les conditions sont donc quasi idéales pour la voile.
Si on est marin à moteur, c’est un peu différent. Le vent ne nous étant d’aucune aide, on choisirait plutôt une région sans vent ni vagues. Tout de même, le charme de ces îles laisse peu de gens indifférents. On y croise donc aussi des couples vivant à bord de bateaux à moteur, habituellement de type « trawler ». Quelques catamarans à moteur aussi. Les catamarans, voiliers ou bateaux à moteur sont bien plus confortables au mouillage. Par contre, leur coût d’entretien est beaucoup plus élevé. Leur gréement travaille plus fort, ils ont souvent deux moteurs et on paye 50 % plus à la marina comme au chantier de remisage. Plus de 99 % des retraités choisissent la voile plutôt que le moteur. Pour ceux qui ne se déplacent pas souvent, le bateau à moteur est un choix intéressant. Le coût du carburant est élevé, mais l’entretien d’un voilier l’est aussi. Personnellement, je préfère la voile, car le ronron d’un moteur éternise les traversées, même si en réalité elles sont souvent plus rapides.
La navigation demeure la même, que l’eau soit salée ou douce, et on s’habitue assez rapidement à naviguer en mer. Allez-y au début avec une personne qui navigue dans la région depuis quelques années. La mer (je pense ici à la mer des Caraïbes) est habituellement de 1,5 à 2 mètres. Cela peut émouvoir à la première sortie, mais aussitôt qu’on vous aura confirmé que ces conditions sont très normales, il vous en faudra beaucoup plus pour être impressionné.
Pareil, dans certaines limites, pour la longueur du bateau. Je ne propose pas la comparaison Queen Mary versus Tanzer 22, mais la transition d’un modèle de 30 pieds à un de 50 pieds se passe assez facilement. Ces changements nécessitent une période d’adaptation, c’est tout. Plus le bateau est grand, plus il est confortable, en traversée comme au mouillage. Plus grandes sont les voiles, plus grands sont les efforts pour les régler. Mais aussi, plus on aura d’équipement, plus on aura de soucis d’entretien.
Si vous aimez naviguer, pensez retraite, pensez vivre à bord et essayez d’imaginer plus grande liberté. Je vous souhaite à tous la retraite au plus tôt. Vive la vie! Sur mer!
Par Michel Brassard
*Chronique publiée dans le magazine Automne 2015 de Québec Yachting.