La vigilance a bien meilleur goût sur l’eau (bis) – Retour sur le naufrage du Costa Concordia
Le 13 janvier dernier, le paquebot de croisière Costa Concordia s’est écarté de sa route normale pour une raison encore inconnue et a fait naufrage près de la petite île Giglio dans les eaux italiennes. Cela remet à l’avant-plan la question sur la sécurité sur l’eau.
Ces cathédrales des mers sont dotées d’une panoplie d’équipements de positionnement, d’alerte et de sécurité de toute sorte, mais ne sont pas à l’abri d’une défaillance mécanique, d’une négligence ou d’une témérité humaine. Les autorités compétentes mèneront les enquêtes nécessaires pour tenter de mettre en lumière toutes les circonstances qui ont conduit à ce tragique accident au cours duquel plusieurs passagers ont perdu la vie. Je n’en ferai pas le procès, mais j’aimerais me servir de ce naufrage et le ramener au niveau de la navigation de plaisance.
Tout navigateur digne de ce nom sait que son embarcation ne réagit pas immédiatement aux changements de cap ou aux variations de vitesse. Il faut un certain temps car l’espace pour virer dépend des conditions des vents, des courants et de notre vitesse. Il est important de garder une distance sécuritaire de tout obstacle, advenant une défaillance d’équipement ou le besoin de faire une manœuvre d’urgence, afin d’éviter le pire.
On baisse parfois notre garde parce qu’on a navigué plusieurs fois au même endroit et on devient un peu plus téméraire en réduisant cette distance sécuritaire. On ferme parfois même les alarmes des systèmes automatisés parce que le bruit strident nous agace. Quelle erreur! Surtout quand on a pris soin de mettre tous les paramètres de notre bateau dans le système d’alerte, justement pour éviter les situations périlleuses ou les naufrages.
Les capitaines des paquebots de croisière peuvent s’appuyer sur des officiers et un équipage bien formés et entraînés pour prendre les décisions qui s’imposent pendant leur absence de la timonerie. Par contre, ils sont toujours responsables et devront répondre des actes de tout le personnel navigant sous leurs ordres.
En navigation de plaisance ou de pêche sportive, nos invités n’ont pas toujours la formation requise pour exécuter des manœuvres. Nous devons considérer ce facteur et réduire notre vitesse en conséquence, en plus de mettre une plus grande distance entre les obstacles ou les bateaux nous entourant. Nous devrons parfois quitter la barre pour faire une manœuvre ou la montrer à notre équipage d’occasion. La personne aux commandes pendant ce temps-là connaît-elle bien le plan d’eau et ses écueils? Peut-elle réagir face à une situation d’urgence en toute sécurité? Au fait y a-t-il quelqu’un aux commandes?
Qu’il s’agisse d’un paquebot des mers ou d’un bateau de plaisance, les deux doivent avoir les mêmes cartes et publications nautiques à jour pour naviguer sur le même plan d’eau. La différence est dans les systèmes de cartes électroniques de navigation et de positionnement utilisés, mais le plaisancier devra payer plus cher proportionnellement que les croisiéristes si on considère l’investissement global de chacun. Sur un plan d’eau à fort achalandage ou à forte densité humaine, les modifications sont fréquentes et il faut mettre à jour nos documents pour éviter de se mettre et mettre d’autres personnes dans une situation périlleuse. De toute façon, ce sont les compagnies d’assurance qui auront le dernier mot avec des primes qui refléteront le niveau d’usage des documents à jour et le nombre d’accidents pour un plan d’eau donné.
Cependant, même avec des documents à jour, la nature peut nous jouer des tours et il faut rester aux aguets. Les glaces, les courants et les vagues peuvent déplacer en tout temps des obstacles ou en ajouter d’autres, en plus de modifier parfois les chenaux de navigation. Il faut avoir les équipements appropriés et en nombre suffisant, mais ils ne remplaceront jamais la vigilance des personnes à bord des embarcations pour que notre loisir le demeure.
Je vous souhaite une bonne saison de navigation 2012 et n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires : ils sont toujours appréciés.
Bernard Labrecque
Président
Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
bernard.labrecque@globetrotter.net
* Texte à paraître dans le magazine Printemps 2012 de Québec Yachting.