Les Cyclades : Emblématiques des îles grecques!
Les Cyclades sont de loin les îles grecques les plus fréquentées et les plus populaires auprès des touristes. Quel croisiériste ne s’est pas arrêté sur Santorin ou Mykonos lors de son passage dans les îles grecques, lui donnant ainsi l’impression d’avoir vu « les îles grecques »! Faciles à reconnaître, leurs petites maisons d’une blancheur immaculée et leurs chapelles orthodoxes aux dômes bleus si caractéristiques font la couverture d’à peu près tous les dépliants touristiques de Grèce. Pas étonnant, puisqu’en déambulant dans les rues piétonnières étroites de ses choras grecques (petits villages hauts perchés), toutes de pierres taillées et souvent en escaliers, on y ressent un dépaysement total.
Santorin et Mykonos, quoique très jolies et parfois spectaculaires, ont malheureusement subi une cure extrême au fil des années pour satisfaire le tourisme de masse, des visiteurs avides de dépenser leurs économies de vacances. Les grandes marques s’y sont installées pour saisir l’opportunité. Les grands transporteurs maritimes y déchargent des milliers de touristes à la fois. Santorin et Mykonos ont, par le fait même, perdu quelque peu de leur âme.
Mais lorsqu’on s’attarde à l’ensemble de l’archipel, la réalité est tout autre. Les Cyclades, ce sont quelque 200 îles, dont 26 sont habitées; certaines depuis la période néolithique, soit quatre millénaires av. J.-C.
Leur nom (les Cyclades) vient du fait qu’elles sont toutes plus ou moins disposées en cercle autour de l’île de Délos qui fut elle-même au premier millénaire av. J.-C. le centre mythologique et commercial de l’Europe. Apollon et Artémis, deux grandes figures mythologiques, y seraient nés! Aujourd’hui, Délos est devenue le centre archéologique et historique le plus important de Grèce. Comme l’île est inhabitée, on y accède de Mykonos seulement par bateau de tourisme et aux heures de visites quotidiennes, à moins bien sûr d’y venir par ses propres moyens!
Les Cyclades occupent le centre de la mer Égée et sont subdivisées en trois groupes. Il y a les Cyclades du Nord parmi lesquelles on retrouve Délos et Mykonos, mais aussi Kéa et Syros, le centre administratif des Cyclades. Les Cyclades du centre regroupent, entre autres, Sérifos à l’ouest et Amorgos à l’est ainsi que les petites Cyclades telles que Schinoussa et Lévitha où ne vit qu’une seule famille. Finalement, les Cyclades du Sud incluent les îles bien connues de Milos et Santorin.
Leur emplacement en mer Égée les place sous l’influence des conditions météo dictées surtout par le tout puissant meltemi qui souffle de juin à septembre. Il s’ensuit des conditions venteuses qui, à cette période de l’année, en juillet et août en particulier, peuvent atteindre B 5-6 ou même B 7-8 et plus en après-midi. La composante thermale du meltemi fait qu’il s’estompe généralement à la tombée du soleil. Il peut toutefois persister pour parfois durer plus de trois ou quatre jours et même jusqu’à deux semaines sans répit!
La proximité d’Athènes, les courtes distances entre les îles et les nombreux ports et mouillages en font néanmoins un territoire de navigation exceptionnel et très prisé des amateurs de voile venus de partout dans le monde. Pas étonnant que toutes les grandes compagnies de charter y aient leur base. La fréquentation est élevée et les mouillages parfois encombrés, particulièrement en juillet et août alors que l’Europe tout entière est en vacances. Cette année ne fera pas exception, d’autant plus que le fait que plusieurs bases de charter turques aient fermé leurs portes pour les motifs qu’on connaît entraînera vraisemblablement une surfréquentation des îles grecques.
Si l’idée de naviguer dans les Cyclades vous intéresse, vous aurez intérêt à visiter les îles en mai-juin ou en septembre-octobre. Ainsi, vous ferez d’une pierre trois coups! Vous éviterez l’achalandage excessif, vous limiterez votre exposition aux conditions extrêmes et vous bénéficierez peut-être même d’un rabais à la location d’un bateau.
Hilda et moi sommes passés par les Cyclades à quelques reprises. La première fois, en 2006, nous nous sommes joints à une flottille de Navtours, une compagnie bien de chez nous, pour compléter notre brevet de navigation intermédiaire de la CYA, offert à l’époque par des instructeurs québécois accrédités. Ce fut, pour nous, une première expérience des Cyclades absolument mémorable!
Nous avions pour l’occasion loué un Bénéteau 37 de la compagnie de charter Vernicos pour nous joindre à la flottille. Le programme de Navtours comportait une semaine de formation et une semaine de pratique. Comme Hilda et moi étions indépendants du groupe du fait que nous avions notre propre voilier, nous avons prolongé à trois semaines notre location afin de nous offrir une deuxième semaine en autonomie totale!
Après quelques tracas administratifs invoqués par Vernicos et une résolution rocambolesque de l’imbroglio, nous prenons possession de notre voilier Ermioni et recevons notre briefing. Nous prendrons le départ comme prévu le lendemain avec les deux autres voiliers de la flottille de Navtours et ses deux instructeurs, Pierre et Karim. Le circuit planifié par Navtours s’inspirait du parcours généralement emprunté dans les Cyclades, soit un cercle à l’envers des aiguilles d’une montre pour profiter des courants et des vents généralement plus propices aux allures portantes.
Au premier jour, nous quittons le Pirée, le port d’Athènes, pour relier la pointe Sounion où nous convenons de jeter l’ancre pour la nuit. Dès le départ et sous une toute petite brise matinale, Hilda et moi prenons une confortable avance sur les deux autres Bénéteau 47 de la flottille de Navtours. Mais dès que le vent se lève, les deux autres voiliers nous rattrapent et nous passent à vitesse grand V! Les deux voiliers sont plus rapides, mais aussi et surtout les instructeurs bien aguerris. Nous arriverons une heure plus tard qu’eux à la pointe, dans des conditions B6-7! Nous jetons l’ancre, voisins de notre flottille, et recevons sans tarder la visite attentionnée de nos deux instructeurs, inquiets de savoir ce qui s’était passé. Nous avions commis notre première erreur de navigation en nous fiant à une direction GPS approximative! Nous avons donc amerri dans la baie voisine, ce qui expliquait l’essentiel de notre retard. Nous avons par ailleurs eu beaucoup de chance, témoins d’un voilier à 100 mètres devant nous, toutes voiles sorties et sur la même route, plaqué par un venturi au passage d’un cap, un phénomène dont il faut se méfier en mer Égée. Prévenus par cet incident, nous prenons l’écoute de grande voile à la main pour nous tenir prêts à la relâcher à la moindre rafale; ce qui a été fait avec succès. C’était notre première réussite!
Nous repartons le lendemain en accueillant à notre bord un couple de l’équipage de Navtours, question d’assurer notre sécurité et de rassurer nos instructeurs. Prochaine destination : l’île de Kéa. Son quai, ses restaurants typiques et sa chora aux rues étroites, où vivent la majorité de ses 2000 habitants, en font une première escale inoubliable. Tout en haut, des vestiges datant de l’âge de bronze, dont ce lion sculpté à même la pierre, trahissent son histoire. Nous sommes tout simplement émerveillés!!!
Nous effectuerons sur Kéa notre première prise de quai à la méditerranéenne sous la supervision de nos deux instructeurs. Tout se passe à merveille : deuxième réussite qui nous met en confiance. Le repas du soir se tiendra dans l’un des restaurants situés à peine à 10 mètres du bateau. Le propriétaire, dès notre arrivée à quai, prend la peine de venir à notre rencontre avec ses poissons frais. Nous partagerons le repas avec la douzaine de membres d’équipages et échangerons nos impressions de la journée dans une ambiance festive. L’énergie est fortement ressentie, l’ambiance unique, la soirée animée.
Nous repartirons le lendemain pour la ville d’Ermoúpolis, capitale des Cyclades, sur l’île de Syros. Le temps est magnifique et nous accueillons à notre bord un autre couple de l’équipage de Navtours. La journée s’allonge puisque nous aurons près de 40 mn à parcourir, sans compter qu’une surprise nous attend à destination! Nous arrivons en fin d’après-midi, après une navigation somme toute assez musclée, sous B 5-6. La prise de quai se déroule sous les regards plutôt intimidants des nombreux touristes attablés aux terrasses installées sur les quais. Les tables étaient si près de nous qu’on aurait pu s’amarrer aux pattes de chaises! Heureusement et en dépit de notre manque d’expérience, tout se passe bien!
Nous nous empressons de visiter cette magnifique petite ville avec ses édifices néoclassiques, sa maison de l’opéra modelée sur la Scala, sa cathédrale, son square ombragé et ses rues de marbre. Les quais s’animent au fur et à mesure que la soirée avance. Mais surprise, nos instructeurs prennent la décision, vers 21 h, de réaliser notre quatrième passage en navigation de nuit et aux instruments le soir même. Il s’agit d’une épreuve requise pour passer le brevet intermédiaire. Notre départ est fixé à 23 h et, pour l’occasion, nous accueillerons à notre bord Patrick, un équipier d’expérience.
Nous préparons Ermioni, notre Bénéteau 37, avec beaucoup de précautions pour cette navigation de nuit et nous quittons le quai en flottille au grand émerveillement des touristes attablés. Destination Mykonos, un port que nul d’entre nous n’avait visité dans le passé. D’ailleurs, l’arrivée de nuit dans un port étranger fait également partie des épreuves du brevet de navigation intermédiaire. La traversée se fait sans problème, mais sans vent malheureusement! Nous entrons dans le port de Mykonos vers 4 h du matin et repérons ce qui semble trois espaces potables pour se mettre à quai dans ce port exigu et principalement destiné aux traversiers et aux excursionnistes. Opération réussie encore une fois. Nous nous coucherons fatigués mais ravis!
La croisière se poursuit et, de Mykonos, nous jetons l’ancre en face de Délos pour visiter cette île mythique, véritable musée archéologique à ciel ouvert. Nous défions l’heure de fermeture et alors que le dernier bateau d’excursionnistes quitte l’île avec tout le personnel administratif à son bord, nous poursuivons notre visite tout fin seuls, sans même la présence d’un gardien! Y’ a qu’en Grèce qu’une telle chose pourrait arriver!
Le soir même, nous nous repositionnons dans la baie de Milos sur Rinia. Nous nous mettrons à l’épaule pour ce qui restera une autre soirée mémorable. Pierre aux pâtes, soirée tout en musique et en danse où la camaraderie trouvera son summum!!! Nous repartirons le lendemain pour Paros afin de passer, Hilda et moi, notre examen pratique de fin de programme en compagnie de Pierre, notre instructeur assigné. Nous obtiendrons tous les deux la note parfaite, soit 100 %!!! Puis ce seront les « au revoir » alors que le reste de la flottille doit amorcer son retour vers Athènes. Hilda et moi poursuivons notre route vers le sud pour nous arrêter sur Schinoussa. Première prise de quai en solo « pas tout à fait » réussie! Nous surmontons nos frustrations du premier jour et poursuivons vers l’ouest, cette fois pour nous arrêter sur Ios, où nous irons à la recherche de ce qui serait la tombe d’Homère et d’où nous visiterons Santorin par traversier le jour suivant. Nous repartirons pour Folégandros, non sans avoir bénéficié d’une âme bienveillante ayant accepté spontanément de plonger dans le port pour dégager notre ancre du fond. Sans lui, nous aurions été contraints d’engager un plongeur et de perdre une journée! Nous lui en serons très reconnaissants.
Le meltemi a forci et c’est non sans appréhension que nous entrons dans le tout petit port de Karavostasi sur Folégandros. Le quai est complet et nous devons donc nous résigner à jeter l’ancre dans ce qui s’annonce des conditions météo difficiles pour les prochains jours. Alors que nous sommes à la manœuvre, une petite annexe quitte le quai à notre rencontre pour nous informer que la tenue est très mauvaise dans la baie. Dans ces conditions, il est fortement conseillé de prendre le corps mort du traversier au milieu de la baie qui, de toute manière, ne viendra pas avant l’accalmie. Nous sommes mis à rude épreuve compte tenu de notre expérience, mais nous aurons eu heureusement la chance d’avoir la visite de ce marin soucieux de notre sécurité. Le lendemain, au départ de l’un des voiliers à quai, nous nous repositionnons sans tarder. Les trois jours subséquents passés à quai nous donneront l’occasion de visiter la chora de Folégandros et d’apprécier l’atmosphère de cette magnifique petite île.
Nous repartirons après l’accalmie et non sans avoir fait la fête avec l’équipage voisin, un groupe de journalistes retraités du Figaro fort sympathiques. Nous devrons nous arrêter une fois de plus sur Kythnos, cette fois à cause du mauvais temps. Nous y serons retenus trois jours sous de forts vents et des pluies diluviennes. Nous aurons par ailleurs trouvé à visiter cette île tout aussi magnifique et à apprécier sa cuisine méditerranéenne avant de reprendre la mer vers le nord pour nous arrêter cette fois sur Hydra, l’île de Léonard Cohen, celui-là même qui nous a inspiré quelques années plus tard le nom de Dance Me.
Puis nous reprenons le chemin du port du Pirée, à Athènes, pour déposer Ermioni, notre Bénéteau 37 qui nous aura accueillis et protégés si fidèlement tout au long de notre première aventure en mer Égée. Arrivés avec trois jours de retard à cause du mauvais temps, nous apprendrons sur place et à notre grand étonnement que la dernière tempête avait par moments atteint B 10 et causé beaucoup de dommages aux flottes de charter. Nous étions les seuls à ne rapporter aucun bris!!! Ça allait façonner notre confiance pour la suite des choses et donner lieu à une aventure qui perdure en mer Égée!
Nous repasserons dans les Cyclades par la suite à quelques reprises, notamment en 2015, en route pour la Turquie, alors que nous ferons escale quelques jours sur Amorgos et Astypalée, deux îles remarquables à visiter à voile ou même par traversier en formule « sac à dos ». Puis, en 2016, au retour de notre séjour dans les Sporades. Nous planifions y séjourner encore une fois cette année au retour de notre campagne en Crête, sujet de notre prochain reportage dans le magazine Automne 2017 de Québec Yachting. Nous en profiterons cette fois pour visiter les îles où nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous arrêter, notamment Milos, Anti Paros et Naxos.
À suivre…
Par Jacques Chalifour
Photos : Hilda Luyt
Hilda et Jacques sur Dance Me
Hilda et Jacques naviguent en Méditerranée depuis 2005. Pour tout commentaire ou toute information supplémentaire, n’hésitez pas à leur écrire un courriel à j.chalifour@chalifourcom.com.
*Cet article a été publié dans le magazine Été 2017 de Québec Yachting.