Les niveaux d’eau – l’histoire se répète!
Au moment où j’écris cette chronique, c’est pratiquement tout le Québec qui vit encore un épisode d’inondation printanière. Espérons que l’homme gagnera encore la bataille ce printemps contre la Nature. Je souhaite aux sinistrés un retour à la vie normale le plus rapidement possible.
Les niveaux d’eau annuels changent lentement d’un point de vue interannuel, ce qui s’explique par l’isostasie. Les niveaux d’eau ont tendance à diminuer au centre du Canada et à augmenter sur les côtes bordant les océans Pacifique et Atlantique. Par contre, les changements climatiques ont un impact indéniable sur nos vies. Les cycles trentenaires de haut et de bas niveau d’eau du début du XXe siècle en amont de Sorel sont maintenant rendus des cycles décennaux ou plus rapides. L’ouverture du Chenal maritime du fleuve Saint-Laurent à longueur d’année dans les années 1960 a été favorable aux riverains, les inondations hivernales ayant pratiquement disparu dans le secteur de Montréal. Le drainage, la diminution des milieux humides et les ouvrages de protection ont un impact tantôt positif, tantôt négatif sur l’écoulement des eaux locales ou régionales.
Des écarts climatiques plus grands au quotidien causent des vents plus forts couplés à des précipitations accrues et tout ce que cela peut comporter en termes d’augmentation de pression et de mouvements d’eau. Il ne faudra pas se surprendre de vivre régulièrement des débâcles printanières problématiques dans un futur rapproché. Qui dit niveaux d’eau exceptionnels dit aussi courants exceptionnels.
Il peut paraître paradoxal que l’ouverture de la saison de navigation de plaisance ait été retardée dans plusieurs marinas par des niveaux d’eau anormalement hauts. La sécurité avant tout! Est-ce que les courants permettaient l’installation des pontons? Ensuite, pouvait-on se rendre dans les sections de remisage et utiliser les appareils de mise à l’eau en toute sécurité? Les ouvrages de protection et de dragage ont permis le développement domiciliaire de plus en plus près des cours d’eau.
La navigation souffre aussi de cet apport inattendu d’eau. Pour les navires commerciaux de grandes dimensions, cela peut signifier qu’ils ne peuvent plus passer en toute sécurité sous les obstacles aériens peu importe leurs chargements. Pour la navigation de plaisance, cela signifie qu’il sera peut-être impossible de remonter un courant plus violent ou de manœuvrer en des temps records afin d’éviter de se retrouver dans des situations périlleuses nécessitant de l’aide pour s’en sortir.
On a tous vu des images d’eau déferlant à grande vitesse avec des vagues et des remous importants. Cette eau a un pouvoir d’érosion, d’abrasion, d’arrachement et de déplacement de gros objets que l’on croyait immuables. Lorsque les niveaux d’eau deviennent encore une fois plus hauts que la normale, il y a des inconvénients immédiats, d’autres que nous découvrirons au cours de l’année et même pendant plusieurs années.
Les navigateurs de plaisance devront redoubler de vigilance cet été. L’eau est 800 fois plus dense que l’air; il faut donc s’attendre à retrouver dans plusieurs chenaux de navigation des objets volumineux déplacés par les forts courants du printemps.
Il faudra du temps pour que les rives et les fonds marins se stabilisent. Les ouvrages de protection et le dragage peuvent aider à un retour à la normale plus rapide. Ils ne sont toutefois pas une panacée, d’autres actions devront être considérées afin d’assurer un résultat durable et sécuritaire pour les riverains, les navigateurs, la flore et la faune.
Dans toute situation, on peut en extraire le positif. Dans le cas présent, on peut consulter le site de la Sécurité publique pour obtenir une carte montrant les stations hydrométriques (geoegl.msp.gouv.qc.ca/adnv2/carte.php) et sélectionner la station hydrométrique de notre choix.
La contribution des plaisanciers sera importante afin de garder à son plus haut niveau la sécurité sur les plans d’eau dans l’est du Canada. Communiquez avec la Garde côtière canadienne (www.ccg-gcc.gc.ca) ou le Service hydrographique du Canada (www.cartes.gc.ca) toute différence (aide à la navigation, obstacle, etc.) avec les cartes marines. Consultez les avis à la navigation et inscrivez-vous aux Avis aux navigateurs (www.notmar.gc.ca), vous serez informés d’une modification à une aide à la navigation ou à un obstacle sur le plan d’eau avant de le rencontrer; pas après!
Je vous convie aussi à visiter le site internet des marées du Service hydrographique du Canada au www.marees.gc.ca ou à téléphoner au 877 775-0790 afin d’obtenir les dernières observations sur les niveaux d’eau pour que vos sorties soient toujours des plus sécuritaires.
Bernard Labrecque
Président
Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
bernard.labrecque@globetrotter.net