Rafale 3 : Vers l’Italie et au-delà!
Rafale, anciennement connu sous le nom de Rafale Class-C, est un club étudiant de l’École de technologie supérieure (ÉTS) concevant des voiliers alliant performance et durabilité. Avec son nouveau prototype Rafale 3, l’équipe vise à faire rayonner son école lors de compétitions internationales et inspirer l’industrie à adopter des technologies plus durables dans la fabrication navale.
Depuis 2015, le vent à bien tourné. Alors que Rafale 1 et 2 étaient des catamarans Class-C où seule la vitesse était de mise, le troisième prototype est un monocoque de type Moth. Depuis trois ans, Rafale participe au SuMoth Challenge, division étudiante de la Foiling Week. Contrairement à beaucoup de compétitions étudiantes, la durabilité est le critère central du SuMoth Challenge. Il fut donc essentiel pour l’équipe d’inscrire cet aspect à facettes multiples à ses objectifs dès ses premières ébauches. La durabilité a ainsi guidé la conception au même titre que la performance, se concluant par une analyse du cycle de vie du bateau entier.
Fort de ses expériences en construction navale avec Rafale 1 et 2, le club maîtrise aujourd’hui une panoplie de techniques de fabrication allant de l’artisanat au grade aérospatial. L’équipe bénéficie également des conseils de son titulaire, le professeur Simon Joncas, spécialiste en conception de pièces composites. Elle peut miser sur son expertise pour discuter de problèmes à résoudre et valider de potentielles solutions. Rafale a dû s’appuyer sur des bases solides afin de relever les nouveaux défis apportés par le Moth, certes plus petit mais tout aussi technique.
Rafale 3, l’éprouvette volante
Avec Rafale 3 l’équipe fait plus que mettre en œuvre des techniques déjà établies. Elle développe aussi ses propres méthodes adaptées aux matériaux innovants qu’elle utilise. En s’appuyant sur des aspects déjà maîtrisés, il lui devient possible de concentrer une partie de ses ressources dans la recherche et le développement.
Par exemple, les matériaux utilisés afin d’assurer la recyclabilité de la coque sont encore peu utilisés en industrie dont les demandes de rentabilité peuvent parfois ralentir l’adoption de solutions novatrices. Il n’était donc pas suffisant de s’appuyer sur les connaissances de ses partenaires externes. Dans le cadre d’un projet de recherche, Rafale a évalué la sensibilité de sa résine recyclable à la chaleur et à l’humidité. Les conclusions de ce projet ont permis à l’équipe d’adapter ses méthodes pour produire des pièces de meilleure qualité.
De manière inédite, Rafale proposera au SuMoth Challenge 2022 une version beta de système embarqué. Tout en respectant les règles strictes imposées par la compétition, ce dernier permettra de recueillir des données précieuses concernant la mécanique et la navigation. L’équipe pourra ainsi mieux appréhender le comportement structurel du navire et les modifications à apporter pour son successeur.
Du point de vue de l’écoconception, Rafale 3 ne sera pas en reste. La compréhension de l’impact global du prototype forme l’âme du projet et des motivations de l’équipe. Un premier pas fut de recycler un grand nombre de pièces de ses anciens catamarans. Dans cette optique, un safran fendu de Rafale 2 fut allégé et rebâti pour former la dérive de Rafale 3. C’est avec cette dynamique que l’équipe démontre qu’il est possible de produire des pièces performantes sans toujours fabriquer du neuf.
On compte aussi plusieurs innovations secondaires en cours de développement, comme des noyaux en impression 3D en partenariat avec l’Université McGill. Ceux-ci permettent notamment de produire des pièces complexes sans nécessiter de moule. D’un point de vue mécanique, on compte également la conception d’une barre permettant d’ajuster l’angle d’incidence de l’aile de safran en vol. Ces différents développements ont nécessité une grande adaptabilité de la part des membres de l’équipe. Ils ont dû faire preuve d’ingéniosité afin de surmonter de nombreux défis techniques et logistiques démontrant l’importance de rigueur, de structure et de méthode. Besoins auxquels l’équipe a su répondre en établissant un suivi professionnel et industriel des méthodes de fabrication composite et d’assemblage soutenu par un suivi de la qualité et une organisation inspirée de l’aéronautique et du spatial.
De part et d’autre d’un océan
Chez Rafale, le Québec et la France travaillent côte à côte. On compte en effet bon nombre de membres issus de l’autre côté de l’Atlantique. Bien que cette mixité soit la source d’occasionnels malentendus linguistiques, elle demeure néanmoins un atout majeur à sa cohésion, sa motivation et sa portée. Les membres de l’équipe ont pu ainsi bâtir un fort réseau technique et culturel de part et d’autre de l’Atlantique. Un premier partenariat avec le bar Les Enfants du Rock basé à Montréal et à La Rochelle a organisé différentes activités communicatives et culturelles renforçant le lien historique du Québec vers la France.
Les progrès techniques comme l’utilisation d’une résine recyclable ont su faire écho jusqu’à des sommités du nautisme et de l’ingénierie navale française, telles que Lalou Roucayrol, fondateur de Lalou Multi et nouvel acteur de compétence de l’équipe, ainsi qu’Arthur Levaillant, professionnel de la course au large. Des liens importants ont ainsi été tissés par le partage d’une passion alliant sport et technologie.
Rafale a également mis sur pied un partenariat avec la ville de La Rochelle, plusieurs entreprises de renom y étant basées. On retrouvera donc les noms de Fountaine Pajot et Neel Trimarans dans le carnet d’adresses de l’équipe. Enfin, un partenariat mondial a vu le jour avec la firme de génie conseil AKKODIS par l’intermédiaire du skipper Pierre Legendre. L’équipe a ainsi levé des fonds importants tout en intégrant AKKODIS dans le répertoire des stages et emplois de l’ÉTS. En parallèle, Rafale développe des activités de course transatlantique, de stages et de recrutement à l’étranger.
Bien que Rafale compte beaucoup d’amateurs de voile et quelques anciens coureurs dans ses rangs, personne ne dispose de l’expérience et de l’habileté requises pour piloter un Moth. L’équipe a donc recruté la Montréalaise Zoe Roosen, athlète de l’équipe nationale en Nacra 17 qui, par passion pour la voile et le foil, a rejoint Rafale avec un grand enthousiasme. Présentement en campagne olympique pour Paris 2024, elle sera aux commandes de Rafale 3 sur le lac de Garde pendant la compétition.
Rafale 4, plus de performance et de durabilité à l’horizon
Rafale 3 à l’aube de sa mise à l’eau, les membres de l’équipe se questionnent déjà sur les caractéristiques de son successeur : Rafale 4. Forts des nombreuses observations faites, tests réalisés et leçons apprises, c’est avec des bases solides que l’équipe a décidé d’entamer ce travail avec deux éléments clés : les matériaux et le moule.
En ce qui concerne les matériaux, les critères à garder à l’esprit sont la durabilité, la légèreté, la résistance et la facilité de mise en œuvre. Ainsi, les étudiants envisagent de remplacer les fibres de basaltes, qui ne sont autre que de la roche volcanique fondue, par des fibres naturelles à bilan environnemental plus faible. Parmi les candidats : le lin, le bambou ou encore des compositions hybrides. Pour lier et protéger ces fibres formant ainsi un matériau composite, la résine Elium représente toujours un des meilleurs prétendant, mais les difficultés rencontrées lors de son utilisation incitent l’équipe à considérer d’autres alternatives. La résine idéale serait une résine biosourcée à plus de 30 % voire entièrement naturelle, recyclable, infusable, facile à mettre en œuvre, mais surtout compatible avec les fibres choisies. Le travail des prochains mois se découpe ainsi en plusieurs étapes, comme déterminer les candidats, réaliser des tests d’infusion à petite échelle, puis évaluer la pertinence des différentes options pour les performances souhaitées.
En simultané, d’autres membres de Rafale travaillent à la conception du prochain moule. Si l’ancien moule en bois de pin présentait un intérêt écologique indéniable sur papier, son utilisation pratique a révélé quelques difficultés, comme la prise d’humidité à l’origine de gonflement et de craquements nécessitant l’utilisation de revêtements protecteurs, une facture salée et une revalorisation limitée à l’incinération. Avec l’arrivée dans les locaux de l’ÉTS d’une machine d’impression 3D de grande dimension, une nouvelle possibilité s’offre aux étudiants. Les avantages d’un moule imprimé sont nombreux et résonnent avec la recherche de durabilité. Une fabrication sur place en collaboration avec un groupe de recherche en matériaux polymères et composites limiterait les déplacements et favoriserait les échanges. De plus, aucun revêtement susceptible de compromette la recyclabilité ne serait nécessaire. La quantité de matière serait amoindrie par l’absence de déchets de production. Enfin, l’impression pourrait être réalisée à partir de granules plastiques provenant d’anciens moules recyclés et broyés par les clubs étudiants. Développer ce procédé est un enjeu critique et pertinent pour inscrire les clubs dans une démarche durable loin des moules à usage unique aujourd’hui utilisés.
Pour finir, que ce soit pour la forme, pour les équipements ou encore pour la fabrication, ce ne sont pas les idées qui manquent à la fine équipe et son ambition communicative. L’objectif est clair! De nouvelles idées sur papier pour cet été, de nouvelles recrues pour un départ à l’atelier en septembre 2022 et enfin un bateau plus durable, plus performant et toujours plus inspirant pour le SuMoth Challenge 2023.
Si vous êtes curieux et intéressés de suivre cette aventure, n’attendez pas le prochain article et suivez l’équipe directement sur ses réseaux Facebook et Instagram ou encore sur son site web. On tient le cap jusqu’en Italie!
Par Donovan Djeddi, Louise Le Gall et Noah Ferrarotto
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Vol. 45 No. 2 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!