Québec Yachting

Un plaisancier Gatinois condamné à payer 10 000 $ pour conduite imprudente

Gatineau, rivière des Outaouais. Crédit photo : Henryk Sadura, Shutterstock.

Par Joani Hotte-Jean avec la collaboration de André M. Benoît

André M. Benoît, spécialiste en sécurité de la navigation, a rédigé un article dans le magazine Automne 2022 de L’Escale Nautique concernant un plaisancier Gatinois qui a reçu, en juin dernier, la sanction maximale prévue par la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, soit 10 000 $ pour l’utilisation imprudente d’une embarcation.

Cette décision exemplaire est une première dans le monde de la navigation de plaisance au Canada!

Ce qui lui est reproché? De ne pas avoir fait preuve de l’attention nécessaire et de considération raisonnable pour autrui dans sa conduite, ce qui enfreint l’article 1007 du Règlement sur les petits bâtiments.

Qu’est-ce qui s’est passé?

En fin d’après-midi du 21 juin 2020, le conducteur d’un bateau Campion de 27 pieds doté d’un moteur de 496 CV a quitté la marina Leblanc de Gatineau en compagnie de sa conjointe. Ces deux personnes ne portaient pas de gilet de sauvetage. L’homme remonte la rivière des Outaouais vers Ottawa, le vent est faible et l’eau est calme. Le bateau accélère et atteint une grande vitesse. Sur la rive opposée, en Ontario, un bateau de plaisance à fort déplacement et navigant à basse vitesse avait créé quelques vagues. Le Campion a rencontré l’une de celles-ci et l’impact fût brutal et a soulevé le bateau. La tête du conducteur a fracassé le pare-brise et sa conjointe a été éjectée de l’embarcation.

L’accident a eu lieu à un mille nautique de la marina Leblanc face à une maison avec une caméra de surveillance qui a enregistré l’accident. Selon le rapport d’expertise, le Campion naviguait à une vitesse d’environ 120 km/h. Le capitaine a été transporté en ambulance à l’hôpital, la consommation de drogue ou d’alcool n’est pas en cause dans ce malheureux événement. Le corps de sa conjointe a été retrouvé deux jours plus tard. Le rapport de la pathologiste judiciaire indique qu’elle a subi plusieurs traumatismes, mais la noyade serait la cause principale du décès.

Un plaisancier conduisant une embarcation. Crédit photo : hxdbzxy, Shutterstock.

L’enquête

Le premier constat des enquêteurs du Service de police de Gatineau indique que le bateau était probablement à la limite de sa puissance mécanique, conformément aux critères de conception du constructeur et aux normes canadiennes de construction des petits bâtiments.

Plusieurs questions sont soulevées :

Dans quelle mesure cette vitesse élevée est-elle justifiable, sur une rivière d’environ un kilomètre de largeur, alors que d’autres plaisanciers sont présents dans l’environnement immédiat?

Le conducteur s’est-il laissé influencer par l’excitation du moment présent?

La recherche de sensations fortes est-elle à l’origine d’un excès de confiance?

Le Règlement sur les abordages est clair : « Tout navire doit utiliser tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes pour déterminer s’il existe un risque d’abordage.

S’il y a un doute quant au risque d’abordage, on doit considérer que ce risque existe ». Le mot « abordage » dans ce cas-ci signifie un contact avec la vague de l’autre bateau. De plus, selon la pratique et les bons usages maritimes, la conduite sécuritaire consiste à contrôler la vitesse et la direction d’une embarcation.

Voici les conclusions de l’enquête :

  1. N’a pas observé et surveillé adéquatement le plan d’eau afin de détecter les dangers pouvant menacer son bateau. Il s’agit d’une grave faute de pilotage quant à l’obligation d’assurer en permanence une veille appropriée;
  2. N’a pas considéré la densité du trafic, c’est-à-dire, la présence des autres bateaux de plaisance dans l’environnement immédiat;
  3. N’a pas considéré les limites de la capacité de manœuvre de son bateau, plus particulièrement sa distance d’arrêt dans les conditions existantes;
  4. N’a pas été en mesure de pleinement anticiper l’ampleur de la vague pour la négocier correctement;
  5. N’a pas réduit la vitesse de son bateau afin de pouvoir prendre les mesures appropriées pour assurer une veille attentive, pour contrôler les risques et limiter la violence de l’impact avec la vague.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a décidé qu’aucune accusation criminelle ne serait déposée contre le conducteur. Quant au Service de police de la Ville de Gatineau, il a choisi de transmettre le dossier à Transports Canada qui a décidé d’imposer, au nom du Ministre, une sanction en vertu du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires. Selon ce règlement, le capitaine/conducteur de l’embarcation fautif a 40 jours après l’imposition de la sanction pour faire la remise du montant imposé ou pour commencer une procédure de contestation auprès du Tribunal d’appel des transports du Canada.

Cette mesure exemplaire ne sera sans doute pas la dernière imposée pour sensibiliser les conducteurs d’embarcations fautifs à naviguer sécuritairement sur les plans d’eau du Québec et du Canada. Le nautisme se développe rapidement et compte beaucoup de nouveaux adeptes, surtout depuis le début de la pandémie de la COVID-19. Plusieurs d’entre eux n’ont pas ou peu suivit de formations et manquent d’expérience. Un accident comme celui-ci aurait pu être évité si le conducteur avait navigué à une vitesse raisonnable. Un autre facteur aggravant : les deux personnes à bord ne portaient pas de gilet de sauvetage. Si la conjointe du conducteur l’avait porté, certes, elle aurait sans doute été blessée en étant projetée par-dessus bord, mais elle ne se serait peut-être pas noyée. Le port du gilet de sauvetage n’est pas obligatoire, mais il est recommandé. Pourquoi? Parce qu’on ne sait pas à l’avance ce qu’il peut se passer sur l’eau! C’est un peu comme un cycliste qui ne porte pas son casque, il ne sait pas à l’avance s’il va tomber ou se faire frapper par une voiture lors de son trajet!

Tu l’apportes. Porte-la donc!