Fortune de mer et leçon à en tirer
Alors que nous étions depuis quelques semaines à la marina de Peniche au Portugal, deux violentes dépressions coup sur coup nous ont gardés à quai. En premier lieu, la tempête Ciaran qui a balayé les côtes bretonnes a créé une forte houle jusqu’au cap Sagres, le cap le plus au sud du Portugal. Après le passage de Ciaran, une deuxième dépression baptisée Domingos a suivi quelques jours plus tard. C’est entre ces deux dépressions qu’un voilier danois, un Bavaria 38, est venu s’amarrer juste devant notre bateau le 2 novembre 2023.
À son bord, il y avait deux personnes lorsque je l’ai aidé à accoster, le vent étant suffisant pour empêcher le voilier de s’approcher du quai. Le passage de Domingos a laissé une mer déchaînée avec des vagues de plus de 12 mètres sur les côtes portugaises. La veille de leur départ, l’équipage danois alors constitué de quatre personnes m’a demandé combien de temps nous restions à Peniche. Ayant encore des vagues passant au-dessus du brise-lame du port, je leur ai indiqué mes intentions de descendre vers le sud dès que la mer se calmera et cela prendra sûrement quelques jours. Le lendemain matin suivant cette discussion, tel ne fut pas mon étonnement de les voir partir vers Lisbonne avec le voilier. Il est alors environ 8 h du matin et nous les voyons s’approcher de la sortie. Alors que le voilier dépasse le brise-lame, nous le voyons se faire ballotter et même légèrement reculer lorsqu’il monte la vague pour ensuite avancer lorsqu’il la descend.
À ce moment, j’étais sûr que les navigateurs allaient faire demi-tour. C’est vers 11h que nous avons appris leur naufrage, ils sont restés proches de la côte et ont été renversés par une déferlante. Quatre personnes étaient à bord, deux hommes et deux femmes. Avec les orques ibériques qui traînent le long du Portugal jusqu’à Gibraltar, plusieurs bateaux naviguent dans la ligne des 20 mètres qui est près des côtes, et dans ces conditions, cela ne laisse aucun pardon en cas de problèmes. Le bateau s’est retrouvé à l’envers sur la plage, trois personnes à son bord en arrêt cardiorespiratoire, puis on a retrouvé le corps de la quatrième. Selon l’enquête, aucune ne portait son gilet de sauvetage et la VHF n’était même pas syntonisée sur le canal 16. À la suite de cet événement, je me suis remémoré la conversation que j’ai eue avec ces gens et j’en ai tiré des leçons que je partage avec vous.
La connaissance du plan d’eau :
- Si vous naviguez dans une zone qui vous est inconnue, entrez en contact avec les autres marins ou même les sauveteurs en mer afin de mieux savoir les conditions de navigation et surtout, écoutez-les.
- Si aucun bateau de pêche ne sort, alors il faut se demander pourquoi.
- Laissez toujours à la mer le temps de se calmer après des tempêtes.
- Toujours garder, suivant les conditions de vent, une distance avec les côtes vous permettant de trouver un plan B en cas de problèmes.
Les règles de sécurité non respectées :
- Aucun des quatre occupants ne portait de gilet de sauvetage.
- La VHF n’était pas sur le canal d’urgence (16).
- Même si vous êtes pressé ou en retard, ne prenez pas la mer. Attendez, ou si vous devez être à un endroit à une date précise, prenez le train ou le bus si les conditions sont non favorables.
La météo :
- Ne jamais se fier à 100 % aux prévisions météo, car suivant le relief, le vent peut changer légèrement de direction.
Nicolas Gibault donne des cours durant l’hiver sur l’électricité marine et sur l’électronique à bord en ligne ainsi que sur les pièges à éviter à l’achat d’un bateau et sur les Ajustements fins de voile et régate. Vous pouvez visiter ses sites Internet au nicolasgibault.com et au www.ecolenautique.com. Vous avez des questions ou souhaitez faire inspecter votre bateau? Vous pouvez l’appeler au 514 220-8717 ou lui écrire un courriel au nicolas@nicolasgibault.com.
Par Nicolas Gibault, SAMS, AIMAQ
Cet article a été publié dans le Vol. 47 No. 1 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!